Créationnisme, terrorisme (encore) et autres pertes de repères

Posté le 24 février, 2015 dans actu / news, divers

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Irritation à l’Etude d’avoir reçu, à l’Etude !, un ouvrage de prosélytisme créationniste. Avec une belle lettre d’introduction : l’évolutionnisme est une imposture, avec des liens occultes entre le Darwinisme et (rien moins que) le communisme et le fascisme. Les fossiles prouvent que tout le monde a vécu en même temps. Ils ne comportent aucun exemple confortant la théorie de l’évolution. Soupir et à la poubelle le beau livre… que son auteur a tous les droits de publier et de distribuer au titre de la liberté d’expression. Mais pas dans les écoles : les créationnistes et autres évangélistes voudraient que cette « thèse » y soit présentée, au titre d’alternative possible à la théorie de l’évolution, pour que les élèves exercent leur libre arbitre à ce sujet. Ce n’est pas admissible car le créationnisme n’a rien à faire en leçon de sciences : il n’est pas une thèse scientifique alternative – mais une fiction découlant de la seule croyance, donc un prosélytisme. Or la religion est un instrument de pouvoir et de régulation sociale par accaparement de l’intangible. Et certainement pas une science. Quel lien au monde alors avec le terrorisme – en ces temps curieux ? Pas grand lien sinon l’irritation de voir la laïcité souffrir – sous de nombreux et variés coups de boutoir. Cette photo d’Arafat et de Netanyahu est captivante. Parce que le premier est passé de terroriste à Prix Nobel de la Paix, et que l’histoire écrira ce qu’elle pensera du second. Mais elle vient à propos pour rappeler que One man’s terrorist is another man’s freedom fighter. Ce qui doit amener à sortir des manichéismes actuels quant à savoir qui est bon et qui est méchant. Pour le reste, la présence désormais quotidienne des problématiques musulmanes et juives dans les médias est saoulante – et inquiétante.

Dans nos sociétés laïques démocratiques, il ne devrait pas y avoir de débat permanent sur la place des religions. L’une ou l’autre, ou la troisième, ne devraient pas sans cesse vouloir se situer en fonction de la place qui est donnée à l’autre, l’exploiter pour défendre son pré-carré, et prendre la société civile et politique à témoin ou à partie. Bien sûr l’Islam radical s’en prend d’abord à d’autres musulmans avant de s’en prendre à l’Occident. Bien sûr une immense majorité de musulmans ne sont pas prosélytes. Mais ces deux facteurs ne sont pas pertinents. Ce débat permanent, qui n’existait pas il y a dix ou vingt ans, n’est pas le signe d’une crainte déplacée ou irraisonnée des laïques. Il est celui d’un ébranlement concret de la laïcité par un prosélytisme qui vise aussi loin qu’infiltrer le droit, soit la justice des laïques, par les innombrables tentatives d’incriminer pénalement le blasphème. Faire arbitrer l’outrage religieux par des juges laïques – alors que la religion est l’accaparement de l’intangible, bonne chance et cela ne peut que nous ramener à la guerre, les guerres de religions dans la société civile. A l’heure où 90% des conflits sont religieux avant d’être régionaux, où l’arbitrage du conflit israélo-palestinien restera impossible tant qu’il sera ancré dans le religieux, il est urgent que nos sociétés réagissent violemment contre cette nouvelle lutte de religions pour y occuper le terrain – sous l’alibi, le dévoiement, de la liberté de croyance et de la place que cela leur garantirait dans la sphère publique. Tout est ainsi toujours lié : créationnisme, liberté d’expression, laïcité, terrorisme. Nous n’en sortirons pas tant que le débat ne se sera pas dé-irrationalisé. Soupir.

 

 

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