Les blogs juridiques américains sont une excellente source pour connaître les développements juridiques qui s’y produisent. La société moderne induit des situations nouvelles – et elle doit les traiter par le droit en vigueur ou à créer. Ou qui sont plus simplement intéressantes parce qu’anecdotiques. Des exercices de yoga et les conditions dans lesquelles les cours sont donnés sont-ils protégés par le droit d’auteur ? Non pour la Cour d’appel du 9ème Circuit. Même s’il s’agit de grilles ou méthodes standardisées ou franchisées, et donc un business. La réponse juridique est moins intuitive qu’il n’y parait : le droit permet la protection de l’expression d’une idée, pas de l’idée elle-même. Pas possible de protéger des séquences de mouvements que chacun est à même de faire sans se référer à l’auteur allégué. Que faire des embryons congelés d’un couple qui divorce ? Les détruire – mais est-ce si évident ? Pas vraiment. Une femme peut avoir un enfant avec un homme sans que celui le veuille. Il est alors lié par cette paternité. L’ex-épouse voulait ici, devenue infertile à cause d’un cancer, avoir un enfant biologiquement d’elle – et incidemment de son ex-mari. Une Cour supérieure de Californie a donné raison à l’homme, sur la base d’un contrat pris de détruire les embryons en cas de divorce, qu’elle a déclaré valable, et de l’absence d’efforts de la femme pour préserver sa fertilité. La Cour a exprimé son désarroi de devoir se prononcer ainsi sur, in fine, un être humain potentiel. A suivre en appel très probablement.
La Californie toujours vient de passer une loi préservant la sphère privée digitale. Elle n’est pas la première, mais, suite à des décisions contradictoires des Cours d’appel, elle a désormais édicté que la police devait avoir un mandat pour accéder à des données électroniques privées – sauf urgence impliquant une menace pour la vie ou l’intégrité. Le vent a donc changé depuis l’affaire Snowden et les grands hébergeurs comme Google ont choisi de résister, judiciairement, à une surveillance policière indistincte. Est-ce qu’un ordinateur peut revendiquer la liberté d’expression ? Bien sûr que non ? Deux professeurs de droit du Colorado et de l’Arizona n’en sont pas si sûrs. La création expressive d’un ordinateur peut être suffisamment autonome et originale pour être dissociée de l’homme qui le possède, pour dire que l’expression créée n’émane pas de lui. C’est toute la question de l’IA. Si elle porte le risque que les ordinateurs nous dominent ou nous guerroient, il un peu paradoxal de se demander s’ils bénéficient de la liberté d’expression. Mais ce qui compte n’est apparemment pas tant celui qui s’exprime que celui qui écoute ce qui est exprimé – or l’homme écoute déjà souvent des contenus exprimés par un ordinateur seul (il parait que 80% des contenus de chat en ligne des sites de rencontres serait computer-generated – quelle tristesse…). Les droits constitutionnels s’adressent aux humains y compris quand ils construisent des machines, pas aux machines. Le jour viendra où ce ne sera plus nécessairement vrai.
Les juges ont droit comme tous les citoyens à une vie sociale sur les réseaux – dès lors qu’une partie de la vie sociale s’y passe que l’on le veuille ou non. Et dans, certaines limites, à leur liberté d’expression. Pas étonnant dès lors que leur contenu public voire privé fasse l’objet d’un regard pour alimenter des demandes de récusation. Qu’un juge s’exprime sur un sujet sociétal ou privé dans une gazette ou club local, ou sur un réseau social, n’est qu’une question de vecteur. A Louisville, Kentucky, le cas n’était pas trivial. Un juge noir avait démis le pool d’un jury à sélectionner parce que les accusés étaient noirs et que 40 sur 41 des jurés potentiels étaient blancs. Se posait la question de la base légale à sa décision et des recours furent formés jusqu’à la Cour Suprême de l’Etat par le procureur. Le juge posta un commentaire en ligne qu’il était regrettable qu’en 2015, la protection d’un jury entièrement blanc aille jusqu’à la Cour Suprême à la demande de l’accusation. Le juge fut traité de raciste par le procureur et se défendît en ligne. Ambiance et à suivre également… mais avec la remarque que tout cela aurait pu se passer de la même manière dans la presse ou à la radio.