Destruction de biens culturels – l’erreur historique du tout à l’Etat ?

Posté le 14 août, 2015 dans actu / news

Au fil de ces dernières décennies puis années, la protection des biens culturels, entendez par-là la lutte contre leur « exportation illicite » et leur détention en mains privées, a été érigée comme dogme. Avec sanctions pénales et manichéisme. Dans un élan à la fois tiers-mondiste et étatiste, les pays devaient recouvrer ce qui leur avait été pris lors de l’époque coloniale ou même avant ou après, ou en être préservés, et les biens culturels ne revenaient qu’à l’Etat, seul digne et capable de les conserver – pour le bien commun. Cela semble très cartésien. Les Conventions internationales adoptées depuis la Seconde Guerre tenaient compte des pillages commis pendant celle-ci et n’ayant que perpétué une tradition guerrière ancestrale. A de tels faits se greffaient la protection des pays faibles contre leur pillage économique ou privé, qu’il soit au profit de musées ou de particuliers étrangers. Ainsi l’apport des collectionneurs privés au bien commun a-t-il été totalement évacué – au profit de la prévalence de l’Etat : le privé est par définition un égoïste qui veut un bien culturel pour lui et en y intégrant une dimension économique capitaliste. Les destructions massives de biens culturels au Proche et Moyen-Orient soulèvent ainsi la question, dont la face est aujourd’hui totalement voilée, de savoir si les Etats n’ont pas par les Conventions en cause fait fausse route ou adopté des solutions trop radicales – qui se retrouvent aujourd’hui dommageables pour ce bien commun.

La question n’est pas de savoir s’il était prévisible ou non que des dingues fanatiques visent à détruire un autre héritage ou d’autres représentations religieuses ou culturelles que les leur. Cela l’était sûrement. Elle est d’avoir cru et érigé en principe que l’Etat a une vocation universelle ou exclusive dans la sauvegarde de certains biens communs, ce qui suppose ensuite au plan des relations internationales une présomption de confiance entre eux. Il est dommageable à de nombreux titres que des sociétés ou factions en guerre vendent leurs biens culturels illégalement pour financer leur combat. Mais cela les préserverait en l’espèce. Il est peut-être choquant ou simplement dépassé que telle relique ou tel vestige d’importance soit dans le musée d’un Etat pour avoir été soustrait à l’Etat de provenance. Ces problématiques ne sont pas univoques – mais l’apport du secteur privé et des collectionneurs privés a été dénigré et entravé avec un résultat in fine contraire au but recherché. Le marchand ou le collectionneur est mû par deux intérêts : l’amour de la pièce, et donc sa valeur culturelle, et sa valeur économique, qui comporte une perspective de gain éventuel. Il en est ainsi finalement le meilleur gardien – même s’il se la fait voler puisque le voleur visera la même préservation pour réaliser un même gain. Oui mais le bien est alors soustrait à la jouissance publique ? Peut-être – mais avec des limites. Les collectionneurs donnent, prêtent et vendent très largement à des musées. Le fil des générations et le commerce d’art font que les biens changent de mains régulièrement – dans ce même souci de préservation d’une valeur à la fois économique et culturelle. Une meilleure protection finalement contre les Talibans, Etat Islamique et autres que de les avoir laissés ou ramenés sur place ?

 

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