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Deux exemples de sanctions de violations des droits de la défense aux Etats-Unis – à quelque temps de l’entrée en vigueur en Suisse de la nouvelle procédure pénale fédérale accusatoire

Quelques mots des USA où deux affaires ont retenu mon attention ces derniers dix-huit mois, en tant qu’elles étaient intéressantes mais parce qu’impliquant des violations constatées des droits de la défense dont la sanction a été l’abandon des poursuites pénales contre les personnes visées. Dans l’une, le vieux sénateur de l’Alaska Ted Stevens a fait l’objet de poursuites, puis d’une conviction, sur l’accusation de corruption, pour avoir omis de mentionner des cadeaux reçus d’amis sur les formules ad hoc du Congrès. Cette saga s’est terminée par un dismissal sur requête du nouvel Attorney General Eric Holder. Il est reproché à plusieurs procureurs d’avoirs volontairement dissimulé des éléments à décharge. Le juge ayant annulé les charges a également ouvert une enquête pénale contre ces agents fédéraux. La seconde, également une longue saga ayant connu force rebondissements, est l’affaire dans laquelle KPMG et une vingtaine de ses employés étaient poursuivis pour avoir mis en place pour des clients des structures constitutives de fraude fiscale. Dans cette procédure, le dismissal est intervenu du fait des pressions des procureurs en charge pour empêcher KPMG de payer les frais d’avocats de ses employés – et qu’ils capitulent ainsi plus vite et admettent des faits imputables ensuite à la société elle-même. C’était là en fait une pratique du Department of Justice d’empêcher une société de payer les frais de défense de ses employés lorsque la société était également visée. Elle a été considérée comme une violation des droits de la défense par une décision de la Cour d’Appel du 2ème Circuit que le DoJ n’a pas portée devant la Cour Suprême. Ces décisions m’intéressent car il est toujours un signe de bonne santé d’un système judiciaire qu’il reconnaisse des violations des droits de la défense. C’est également le signe de l’indépendance de la justice elle-même envers l’accusation dans un système accusatoire – ce que sera précisément également bientôt le nôtre.

En Suisse, et à Genève, il n’y a pratiquement jamais de violations des droits de la défense constatées par les tribunaux. En bonne logique, de deux choses l’une : soit c’est parce qu’il n’y en a pas, ce qui est au crédit des acteurs concernés, en l’état le Parquet et l’Instruction, soit il y en a mais elles ne sont pas sanctionnées, voire pas dénoncées, et le constat doit être différent. Dans le système actuel, le juge d’instruction est censé être aussi le garant des droit de l’inculpé au plan de la prévention – de par son obligation d’instruire à décharge comme à charge. Ce rôle ambivalent du juge d’instruction a cependant trouvé certaines limites dans la pratique dans certains systèmes, notamment en France où c’est l’un des points essentiels du débat. Il faudra voir ce qu’il en sera en Suisse lorsque le système accusatoire sera en place. S’agissant du Parquet, il est institutionnellement partial mais doit pour autant évidemment respecter le droit, et donc les droits de la défense et les garanties fondamentales de procédure. Dans un monde idéal, l’accusation n’a aucun intérêt à biaiser ou à exploiter des violations des droits de la défense. Il est juste de partir de l’idée qu’un magistrat du Parquet en est conscient et les respecte. Tel est très largement le cas en Suisse à mes yeux, pour de nombreuses raisons sociologico-juridiques (auxquelles il serait intéressant de consacrer quelques développements à l’occasion). L’expérience démontre que des dérapages existent cependant tout de même, même dans des Etats de droit – les deux affaires américaines précitées n’étant que deux exemples parmi d’autres. Dès l’entrée en vigueur de la procédure pénale fédérale, cette altérité entre l’accusation et la défense sera encore accentuée par la disparition du juge d’instruction. L’avocat sera plus encore que jamais le dernier rempart en la matière. Du fait de cette nouvelle bipolarité absolue, les juridictions de contrôle de l’instruction seront alors le seul arbitre et devront donc être « encore plus » indépendantes du Parquet et rigoureuses en la matière qu’actuellement.