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Didier Burkhalter, François Nordmann et les dictateurs

Les hasards de la mise en page sont parfois amusants ou ironiques. Dans le Temps du 26 février, la colonne périodique [1] de l’ancien ambassadeur Nordmann, dont les analyses des situations internationales sont très Swiss old school mainstream official. En clair formelles et sans vision. Il y commentait la reprise des pourparlers nucléaires avec l’Iran à Alma Ata. Et de vanter la position politique du Kazakhstan de se désengager quasiment philosophiquement de tout nucléaire militaire – et d’être ainsi un hôte idéal pour cette reprise. Et juste en dessus [2] un « publireportage » de politique étrangère co-signé par notre ministre des affaires étrangères et le secrétaire d’Etat chargé des affaires étrangères des Philippines – se félicitant conjointement de la restitution des fonds Marcos à l’occasion, semble-t-il, de leur allocation aux victimes du régime. Le second de ces articles oublie opportunément que le Kazakhstan est une dictature cleptocrate et brutale – mais qui sert des intérêts économiques et de politique étrangère de la Suisse. Il oublie également que la Suisse accueille physiquement des croonies de ce régime corrompu et leurs avoirs. Ironie du sort ainsi que sur la même page, le premier vante la restitution des fonds d’un dictateur alors que le second vante in fine une dictature dont la Suisse accueille bienveillamment les fonds et des représentants.

Au-delà de cette amusante coïncidence, au plan juridique l’exercice d’autocongratulation sur les fonds Marcos est dépassé. La loi et la jurisprudence ont évolué et d’autres affaires ont testé et testent encore la Suisse sur ce point. La chute du régime Marcos a eu lieu en 1986. Il est très bien de se féliciter que ses victimes soient enfin indemnisées. Ce sont de faciles et bonnes à prendre félicitations pour des politiciens d’aujourd’hui qui ne font qu’hériter de ce vieux truc. Cela a probablement aussi un sens de politique étrangère, de point final historique formel. Il serait toutefois également utile de se demander quelles carences judiciaires et politiques, en Suisse et aux Philippines, ont fait que cela a pris vingt-sept ans. La politique internationale obéit à des convenances et doit dans une certaine mesure accepter les régimes en place. Au-delà des apparences, le régime Kazakh peut-il ainsi avoir abandonné des velléités nucléaires militaires pour éviter la scrutiny et les tensions géopolitiques qui en résultent – et gouverner et voler en paix ? Et la Suisse est-elle bienveillante envers les dictatures actuelles pour, en bon win-win, en profiter de leur vivant et, les fonds étant ici, pouvoir les rendre magnanimement aux peuples spoliés une fois leur chute – et s’en targuer ? Dans le mot Realpolitik, il y a le mot Real. Peut-être M. l’ambassadeur Nordmann et M. le chef du DFAE Burkhalter ont-ils une opinion sur ces sujets – mais ils ne la diront pas.