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Discrimination quand tu nous tiens – et y a-t-il des limites objectives à son interdiction ?

Les principes juridiques fixant des limites aux discriminations sont, philosophiquement et juridiquement, passionnants. Le contentieux de la discrimination l’est également – même s’il est souvent plus terre-à-terre, intuitif et casuistique. La mise en oeuvre horizontale, soit en fait la pénétration des droits fondamentaux dans le droit privé, est également un sujet passionnant et d’avenir radieux et infini. Ainsi en Suisse le Tribunal fédéral vient-il de dire, à 3 contre 2 et à un vif échange près tout de même, que l’Université de Lausanne ne peut refuser l’association d’étudiants Zofingue au motif qu’elle n’accepte pas les femmes. La liberté d’association doit prévaloir, et avec elle la diversité qui l’accompagne. A vrai dire, les deux solutions étaient en réalité concevables. Aux Etats-Unis, qui en reste le plus grand laboratoire, la décision d’une école californienne d’interdire à quelques élèves de venir un après-midi avec des t-shirts arborant le drapeau américain, pour prévenir des violences raciales, a été confirmée par la Cour d’appel du 9ème Circuit. Cela nonobstant le Ier amendement de la Constitution qui permet même de le brûler. Bête décision de proportionnalité, la restriction à la liberté d’expression ayant été minime et temporelle eu égard au risque d’affrontements. Un arrêt de la Cour Suprême avait dit en 1969 déjà que la liberté d’expression était garantie à l’école mais devait céder le pas devant des troubles. Pour autant, la règle d’une école de l’Indiana d’imposer les cheveux courts aux garçons d’une équipe de basketball a été cassée par la Cour d’appel du 7ème Circuit.

Exit des prétextes liés au déroulement du jeu et décision divisée comme pour Zofingue : in fine et très sérieusement, la longueur des cheveux n’est pas un droit constitutionnel – mais cette règle est discriminatoire par genre, donc sexuellement. Or les filles ont le droit de faire du basket avec les cheveux longs, avec ou sans chignon ou chou-chou. Ouf le gosse n’a pas eu besoin de choisir entre son sport et être lui-même avec ses cheveux longs. Plus près de nous la Cour de Justice vient de dire que le droit de l’UE ne donne pas aux mères ayant eu recours à une mère porteuse un droit automatique à un congé maternité. L’avocat général a dit que la mère biologique et la mère porteuse devaient partager en deux le congé maternité. Et plus objectivement que la première moitié était pour la seconde qui devait se remettre de l’accouchement biologique, et la seconde moitié pour la première qui créerait alors le lien avec son bébé. Un second avocat général aurait plaidé que la mère biologique n’aurait pas automatiquement un tel droit – même en ayant commencé à allaiter dès la naissance. La Cour a retenu cette solution – en relevant que les Etats membres pouvaient prévoir des régimes plus favorables.

Mais le plus difficile et le plus intéressant est toujours le contentieux de la discrimination qui touche au Bon Dieu, plus précisément les objections à un régime légal ou réglementaire fondées sur des raisons religieuses (donc irrationnelles par essence, au sens théologique du terme). Dans une affaire Hobby Lobby, la Cour Suprême vient de livrer une intéressante audience. Hobby Lobby est une société commerciale qui refusait de couvrir les contraceptifs dans les plans d’assurances de ses employés pour des raisons religieuses. La juge Sottomayor a demandé à l’avocat, dans la ligne des arguments de sa cliente, si un sentiment religieux que les impôts étaient immoraux permettrait une exemption. Puis le juge Alito a relevé le cas du Danemark qui avait interdit les méthodes d’abattage halal et casher au motif qu’elles étaient inhumaines. Ainsi la Cour dira-t-elle bientôt si le Religious Freedom Restoration Act de 1993, qui permet que l’exercice d’une religion ne soit pas entravé s’il existe un moyen moins dommageable de satisfaire l’intérêt général visé par le gouvernement, autorise un employeur à ne pas couvrir les contraceptifs alors que le droit fédéral prévoit que les employés y ont droit. C’est intéressant en droit constitutionnel mais il le serait plus encore que la Cour Suprême se demande s’il est établi que le Bon Dieu ne veut pas que les employés d’une société commerciale aient droit aux contraceptifs dans le cadre d’un plan d’assurance du bas-monde. Ou alors est-ce là la liberté religieuse : croire et vouloir imposer ce que l’on croit imposé d’en haut ?