
Document publié par Mediapart sur le financement Libyen de la campagne 2007 : Faux et diffusion de fausse nouvelle – et non plus diffamation ?
Ainsi Nicolas Sarkozy a-t-il déposé plainte pour faux, usage de faux, recel de faux et diffusion de fausse nouvelle en lien avec la publication par Mediapart d’un document accréditant que la Libye aurait financé sa campagne de 2007. Le Parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire. Et Mediapart de s’étrangler qu’il ne dépose pas plainte pour diffamation ! D’exprimer sa stupéfaction devant une manœuvre visant à contourner la loi sur la presse, de dénoncer l’utilisation d’une procédure secrète pour intimider les journalistes dans l’exercice de leur mission constitutionnelle d’information, de dénoncer un évitement du débat public sur la diffamation devant un tribunal. La diffamation est une infraction qui consiste à diffuser des faits qui portent atteinte à l’honneur. En droit suisse, il faut donc que les faits soient de nature à porter atteinte à l’honneur. Il y a ensuite deux correctifs. Le premier est la preuve de la vérité, soit que ces faits sont vrais, ou que le diffameur tenait ces faits pour vrais de bonne foi, preuve que le diffameur a le droit d’apporter si le diffamé le conteste. Le second est celui de l’intérêt public à leur diffusion et de l’interdiction du seul dessein de nuire, en lien notamment avec la vie privée.
Les tribunaux ont noirci des kilomètres de pages sur la notion d’intérêt public à l’information par rapport à une personne donnée et selon si elle est un personnage public ou non. Soit la question du droit à l’information vs. le droit à la sphère privée. S’il est un média, le diffameur sait qu’il a toutefois en plus une sorte de « coussin de sécurité » contre une plainte du diffameur : porter plainte entraîne un débat public sur la preuve de la vérité, audience qui est alors reprise par les médias. Le diffameur est ainsi confronté à un dilemme habituel qui le fait souvent renoncer : même si les faits ne sont pas vrais et le diffament, porter plainte entraîne un débat public qui les diffusera plus encore, perpétuant et amplifiant l’atteinte même si elle est illicite et que le diffameur est condamné en fin du compte. Les médias rapportent en outre bien davantage l’instruction de la preuve de la vérité que l’éventuelle condamnation, x mois ou années plus tard, du confrère diffameur. Déposer plainte pour faux et diffusion de fausse nouvelle est-il donc un remède à ce défaut du mécanisme de la poursuite pénale de la diffamation ?
En droit français cela semble possible tant pour le faux que pour la diffusion de fausse nouvelle. Mediapart ne semble pas se plaindre de ce que ce soit juridiquement faux, mais de ce que cela élude la phase de la preuve de la vérité de la diffamation, pour eux essentielle en matière de droit à l’information. La notion de faux y est-elle plus large qu’en droit suisse ? En Suisse le faux dans les titres est surtout invoqué en lien avec des infractions contre le patrimoine. Serait-il impossible de l’envisager également dans un cas similaire, eu égard à la condition du dessein de porter atteinte aux droits d’autrui et à celle de viser de procurer un avantage illicite ? Si cela élude le débat spécial de la preuve de la vérité de l’infraction de diffamation, cela n’élude pas le débat public de l’audience pénale de jugement sur la fausseté du titre en cause. Y a-t-il donc réellement dans l’usage de cette autre qualification un danger pour la liberté de la presse et le droit à l’information ? A suivre et à creuser ?