- Revolawtion - https://www.revolawtion.ch -

Entraide judiciaire pénale avec la Russie : Il vaut mieux être un relevé bancaire qu’une personne physique…

La Russie est un pays magnifique, puissant, fascinant mais à certains égards toujours inquiétant. Passé presque du jour au lendemain du communisme et d’une économie planifiée à une sorte de jungle pragmatique et opportuniste davantage qu’à une économie de marché inscrite dans le droit et l’Etat de droit. A la chute du mur, les échanges et l’économie désormais libres se sont créés, faits sur le champ de ruine de 70 ans d’absence de droit privé et de droit commercial, et en conséquence d’un système judiciaire approprié. Le déficit institutionnel en ces matières ne s’est lui comblé que beaucoup plus lentement – et ne l’est d’ailleurs pas encore entièrement.

Du coup, le système judiciaire, s’il existe naturellement, peine à être indépendant au titre de l’un des trois pouvoirs de l’Etat de droit démocratique au sens de « notre » conception (à l’époque révolutionnaire !) de l’Etat moderne, celui issu des Lumières. Ses décisions peinent également à être appliquées lorsqu’elles déplaisent à l’éxécutif ou à certains intérêts particuliers. Rien d’ailleurs qui ne soit, malheureusement, totalement exclusif à la Russie.

Du coup, accorder une coopération internationale judiciaire à la justice russe est évidemment souvent un exercice délicat. Délicat parce qu’il est difficile politiquement de se faire le censeur des moeurs judiciaires d’autrui. Délicat parce que c’est aussi souvent faire obstacle à une amélioration de la situation par la coopération – et parfois donc priver des tribunaux, juges et procureurs courageux de mener un combat juste pour l’indépendance et la justesse de la justice au travers des cas particuliers qu’ils ont a traiter. A l’inverse, coopérer avec un Etat qui ne respecte pas les réquisits judiciaires fondamentaux revient à entériner ses pratiques, ce qui évidemment n’est pas convenable – mais en empêchant du coup aussi justice de se faire envers quelqu’un qui le mériterait.

A cet égard, deux situations récentes traitées par la Suisse, c’est-à-dire ses autorités puis sa justice jusqu’au Tribunal fédéral, laissent apparaître le paradoxe, amusant n’étant pas vraiment le mot, qu’au-delà des motivations de ces arrêts du TF, il vaut mieux être un relevé de banque suisse qu’une personne physique !

Dans les arrêts 1A.15/16 et 17/2007, le TF refuse ainsi définitivement l’entraide documentaire, et donc la remise d’informations bancaires, à la justice russe dans les affaires Khodorkovski, Lebedev Menatep etc. Au motif, en très résumé, de l’absence d’indépendance et de l’instrumentalisation politique de la justice russe. Dans l’arrêt 1_C205/2007, le TF admet en revanche, même si c’est à des conditions précises devant faire l’objet d’assurances de la part de la Russie, l’extradition d’un homme d’affaires russe détenu en Suisse à cette fin.

Même si les circonstances de chacune de ces affaires justifient peut-être la solution adoptée, cela est sur un plan plus global tout de même un peu paradoxal…