Dans le cadre de la lutte quasi-messianique contre le blanchiment, le lien entre deux arrêts est intéressant. Dans l’arrêt 4A_455/2016 [1] rendu à cinq juges, le Tribunal fédéral a confirmé le déboutement du titulaire d’un compte bancaire qui réclamait la réparation du dommage causé par l’inexécution d’une instruction pour cause du blocage de son compte par la banque sur base de la LBA. Dans le cadre du conflit entre les obligations de mandataire de la banque et ses obligations prudentielles, le TF rappelle que sa responsabilité pour violation du contrat est exclue si elle a agi de bonne foi. Prouvant une nouvelle fois le caractère contraignant sinon réducteur du CPC, le TF ne discute pas l’existence de cette bonne ou mauvaise foi – se limitant à reprocher au client de ne pas l’avoir mise en cause. L’affaire était complexe sous l’angle de la base juridique du blocage au fil de diverses périodes – mais, à la fin, comme l’Allemagne ou Federer, c’est toujours la banque qui gagne. Le considérant 4.5.2 fait en outre référence aux conditions générales de la banque lesquelles, par la faculté de retarder le traitement de certaines instructions dans le cas de soupçons, la mettent virtuellement à l’abri de toute responsabilité pour inexécution dans un tel cas de figure. Au considérant 4.5.3, le TF cautionne le sentiment de la banque quant à l’existence d’indices de soupçons fondés du fait de l’ouverture d’une enquête et du prononcé d’un séquestre pénal par le MPC. Fort bien ?
Pas vraiment. Cette apparente cohérence interne des motifs de l’arrêt civil souffre en effet du rapprochement avec la décision BB.2011.95 et 106 [2] prise en amont par la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral le 11 janvier 2012. Dans un considérant 3.2 aussi rare que louable, la Cour des plaintes avait levé le séquestre pénal en constatant tout simplement que des bribes d’articles de presse et un extrait de Wikipédia ne permettaient de discerner aucun acte pouvant correspondre à un éventuel crime préalable au blanchiment. Cet arrêt est remarquable dans la mesure où de nombreux séquestres sont prononcés ou maintenus dans des conditions relevant davantage de préjugés que d’indices concrets et concluants, lesquels, selon la jurisprudence, doivent se confirmer ou se renforcer au fur et à mesure que le temps passe. En bref, le séquestre pénal est levé brutalement – mais la banque n’a rien à se reprocher –, et personne n’est donc responsable de rien – ce qui est la faiblesse du système. Le Tribunal pénal fédéral exclut toute portée probante d’un article de Wikipédia, produit par le MPC, vu qu’ils ne sont pas signés et que tout un chacun peut en modifier le contenu. Probablement juste – mais il sera intéressant de voir ce que les tribunaux feront des articles de Wikipédia de manière générale, dans la mesure où c’est une source d’informations à la fois riche, concrète, mais effectivement non certifiée.