Les banques suisses se débattent avec cette législation américaine depuis son annonce il y a plusieurs années, son objet, sa définition, ses modifications, ses reports. Elles s’y plient par nécessité, et la mettent en oeuvre avec un degré variable de compréhension de ses tenants et aboutissants. La tâche et sa lisibilité sont compliquées par le traitement simultané du programme du Department of Justice destiné à régler distinctement le passé. Bref une législation inédite pour nous – visant le cas spécifique d’un Etat taxant ses nationaux même domiciliés hors du territoire. Mais dans le contexte d’un mouvement de fond visant à resserrer les phénomènes d’évasion fiscale. Les récriminations souvent entendues sont ainsi qu’il est absurde de taxer ses nationaux hors du territoire – ce qui est vrai : l’apport net est minime vu les conventions de double-imposition alors que le système impose une charge considérable aux contribuables. Une autre également exacte est que la mise en application de Fatca coûtera aux banques un multiple de ce que cette législation rapportera en rentrées fiscales. Personne n’a jamais dit que le monde était exempt de mauvais systèmes édictés sur des objectifs a priori justes. Et a fortiori que le vent va dans le sens d’une simplification de la fiscalité plutôt que l’inverse. Petite phrase relevée dans la bouche de Michel Sapin en France ce mois – et qui vaut son pesant de moralité si elle est concrétisée ce qui reste à voir : les rentrées liées au resserrement des possibilités d’évasion fiscales se traduiront par une baisse des impôts de ceux qui les paient. Fatca fait dans l’intervalle l’objet d’une attaque ciblée aux Etats-Unis qui ouvre en réalité un vrai débat de fond.
Pour l’avocat Jim Bopp, Fatca est tout d’abord une loi inutile qui impose un fardeau disproportionné aux banques du monde entier et pénalise simplement les seulement 7,6 millions d’américains vivant hors des Etats-Unis – et dont l’immense majorité paie normalement ses impôts. De fait Fatca prive ces citoyens d’accès à toute une série de services bancaires retail dans leur pays de résidence, ce qui les discrimine. Fatca violerait surtout la Constitution US en matière de privacy et d’obligations et de peines excessives, mais surtout la compétence du Sénat en matière de traités internationaux. Fatca possède en effet une dimension de politique internationale puisque nécessitant des traités et imposant des sanctions aux Etats qui n’acceptent pas l’accord. Or le but d’une législation fiscale n’est pas de poursuivre des objectifs de policy au plan international. A suivre peut-être ainsi un jour devant la Cour Suprême. Dans l’intervalle les banques suisses auront de toutes manières obtempéré, en regrettant avec nostalgie le temps où elles violaient le précédent accord QI la bouche en coeur sur la foi de ses loopholes trop beaux pour être vrais. Cela aura créé toute une industrie de services improductifs pesant sur le PIB – ou l’aura renforcée. Toute cette cohorte de pions veillant avec une âme de Securitas sur des procédures internes, formulaires et boxes à tick et autres formalités purement… formelles. Quel beau métier. Il est bien en tout état dans une démocratie qu’il y ait des activistes politiques pour lutter contre des lois et systèmes absurdes ou disproportionnés – sans égard pour un but éventuellement en soi légitime.