
Et si nous introduisions l’EPFL en bourse (et des cours d’éthique dans toutes les facultés et pour M. Aebischer) ?
Ce blog s’indignait en 2010 de la mercantilisation de l’EPFL. Elle n’est pas Roland Garros ou Paléo même si elle commence à leur ressembler furieusement et, plus sérieusement, c’est une vraie question d’indépendance académique. En 2014, un rapport révèle et stigmatise – enfin – le fait que les sponsors ont un droit de veto ! sur la nomination des professeurs des chaires qu’ils sponsorisent. Et M. Aebischer de défendre tout cela en estimant totalement normal ce lien entre l’école et l’industrie, entre l’argent public qui finance tout de même l’essentiel et les emplois que l’industrie génère – qui permettent le financement public par l’impôt. La boucle est bouclée, CQFD. Il est dans sa logique : l’EPFL est finalement une sorte de laboratoire privé et d’école privée de l’industrie. Et une fois nommé avec l’agrément du sponsor, le brave professeur jouit tout de même de sa pleine liberté académique. Cette naïveté serait touchante si elle n’était grave. M. Aebischer devrait suivre des cours d’histoire économique sur le capitalisme – et les cours d’éthique que toutes les facultés devraient dispenser. Une entreprise capitaliste est incompatible, lisez bien : INCOMPATIBLE, par essence, avec la liberté académique. C’est philosophique.
Une entreprise capitaliste a l’obligation de remplir son but social et d’agir dans ses intérêts – commerciaux. Elle ne peut tolérer une activité qu’elle finance et qui serait contraire à ses intérêts. Personne ne peut croire une seule seconde qu’un professeur agréé par Nestlé soutiendra, aura même le droit de soutenir une recherche ou des positions susceptibles de porter atteinte à un chiffre d’affaires de Nestlé. Et que dire au jeune étudiant anticapitaliste et/ou anti-OGM de Nestlé qui aimerait apprendre à être un contestataire dans une université libre et indépendante ? Qu’il faut passer par l’enseignement d’une bonne chaire de Nestlé – alors que cette entreprise est controversée à de nombreux égards ? Je n’aurais jamais accepté d’être cet étudiant-là. Pire que dans le caricatural capitalisme d’après-guerre où la bonne fabrique régentait toute la vie de la ville où elle avait son usine – mythe qui avait déjà vécu à la fin des années 70. Alors allons jusqu’au bout : M. Aebischer touche ses limites et sa seule grandeur aurait été de dire à Nestlé vous payez mais nous décidons et restons entièrement indépendants. Et de leur faire comprendre que la valeur fondamentale était l’indépendance, pas l’argent. Cela aurait été le vrai test.
Plus qu’une seule solution qui le ravira sûrement donc : introduire l’EPFL en bourse. Voilà une vraie bonne idée, pas une demi-mesure cachottière et gênée comme ces vils et vulgaires veto et concubinage. En faire un vrai outil capitaliste, permettre que Danone et Nestlé se battent pour la fabrique à clones, lancent des OPA, que cela fasse s’envoler le titre, qu’elle émette des junk-bonds, spin-off les divisions qui font des découvertes en les vendant à Monsanto ou à GE pour le prix le plus élevé, donner des stock-options et des bonus aux professeurs en fonction de leur impact sur les rentrées des sponsors. Et l’Etat se fera plein d’argent. Au moins ce sera clair et viendra ou ne viendra pas qui veut. Et le pauvre étudiant rabat-joie qui rêve de travailler pour les ONG – le monde a aussi besoin de lui – n’a qu’à aller se faire cuire un oeuf. Transgénique.