Evolution de la profession d’avocat : Les modernes et la corporation qui court derrière

Posté le 6 octobre, 2008 dans avocats / advocacy

Parlant de la profession d’avocat et de son évolution, cette corporation possède son lot habituel de conservateurs et de progressistes, d’anciens et de modernes, selon également les niches, les types de clientèles, d’activités, et, il faut bien le dire, le temps à consacrer à la réflexion prospective dans un métier dont le chronomètre est à tort ou à raison l’un des principaux éléments de calcul de son revenu économique. Certains s’éteindront avec des manières de pratiquer qui ne seront tout simplement plus efficaces ni adaptées. D’autres surferont certaines vagues en premier. Rien que de bien commun à toutes les activités économiques dans un monde en mutation. Je suis frappé néanmoins par l’inquiétude voire la résistance passive que provoquent certaines perspectives de changements dans la profession.

S’il faut veiller au respect de ses valeurs fondamentales et de celles de l’Etat de droit, je ne suis pas inquiet que cela puisse être le cas. Les évolutions dans l’exercice de la profession, majeures ou plus discrètes, de ces dernières années, n’ont foulé en rien ces principes essentiels. Certaines disciplines sont plus pointues, complexes ou spécialisées, mais les moyens d’accès à l’information et à la matière par l’électronique le compensent. Les coûts de bibliothèque se sont transformés en coûts électroniques – mais avec un gain extraordinaire en efficacité. Le vieux généraliste recevant dans un bureau poussiéreux avec deux chaises devant son bureau est largué – mais remplacé par d’autres formes de prestations juridiques utiles et tout cela va en réalité sa voie sans problèmes majeurs.

Du coup, la préservation des valeurs fondamentales du métier n’est pas le défi de l’évolution de la profession. Ces valeurs doivent être défendues en permanence et ont dû l’être au fil de toutes les évolutions du métier. Elles sont en bien meilleur état aujourd’hui qu’il y a cinquante ou cent ans. Les vrais défis de demain sont différents : La prime à la concision dans un monde de plus en plus multiple, rapide et complexe. La prime à la rapidité – car le processus judiciaire reste trop lent par rapport à tous les autres mécanismes économiques, sociaux ou personnels, et cela sans que cela n’en soit une nécessité inhérente ni à sa qualité. L’efficacité par les méthodes et les techniques est le vrai défi de société actuel des professions juridiques. L’efficacité dans le rapport temps, ce qui ne signifie pas la précipitation ou la perte de qualité, est un idéal légitime et nullement effrayant.

Pour le reste, les débats sur la multidisciplinarité ou les sociétés d’avocats sont importants pour la profession mais au plan de son organisation interne, de sa manutention. Le consommateur de services juridiques, le justiciable, s’en moque très largement. La multidisciplinarité pose des problèmes par rapport à certaines des règles fondamentales du métier mais qui peuvent tous être résolus. Elle est un problème non en tant que telle mais bien parce qu’elle existe en réalité tout en étant hypocritement théoriquement interdite, et les règles en la matière courant après la réalité avec dix ans de retard. Quant aux sociétés d’avocats, c’est le souk comme préalablement exposé sur ce blog, mais là encore, la réalité a largement pris les devants par rapport à ce que la corporation ou le législateur n’ont pas su faire.

Dans ces débats là, la frange conservatrice et la résistance passive sont importantes. A tort, l’on oppose souvent les modèles avec la tentation de n’en maintenir que certains et d’en exclure d’autres, là où précisément le défi est d’augmenter l’offre et la palette, et en cela finalement l’adéquation des services juridiques dont le consommateur, lui-même de plus en plus polymorphe, a besoin. La corporation professionnelle y voit trop souvent des atteintes à son pré carré plutôt que des opportunités et de les saisir. Elle est aussi généralement trop occupée à chinoiser sur certaines règles ou certains détails qui ne s’appliqueront qu’à des cas statistiquement marginaux – et faillit du coup à appréhender et à temps les situations, évolutions et problèmes selon une vision globale, optimiste, prospective et innovante. C’est pour moi une énigme et un regret dans une profession constituée d’un nombre élevé de beaux esprits et en principe d’une bonne conscience institutionnelle. C’est en tout cas la raison de l’image largement vieillotte que la profession a dans l’esprit du public.

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