
God Save The Queen : Difficile de parler du jubilé de la reine sans se souvenir des Sex Pistols
Quelques républicains aujourd’hui pour protester mollement contre la parade, la reine, le jubilé. Mais plus de punks comme en 1977. Il y a trente-cinq ans. Dans cette Angleterre post-industrielle, exsangue et en crise, encore noircie par le charbon, enfoncée dans son conservatisme de pleine guerre froide, une force artistique, créatrice et politique qui s’avérera formidable se fait jour : le punk-rock. Il lancera quinze ans d’une des périodes de grâce de la musique électrique. Les Sex Pistols, grossiers et ingérables, sont virés de leur label A&M, dont la signature de leur contrat avait eu lieu quelques jours plus tôt devant Buckingham Palace. Recueillis par le label Virgin de Richard Branson, qui a débuté par un magasin de disques en 1971, anobli en 2000 et aujourd’hui 4ème fortune d’Angleterre, ils sortent le célèbre God Save The Queen juste avant les célébrations du Silver Jubilee de la reine – et dont 25’000 copies déjà pressées par A&M avaient été détruites. La chanson devait s’appeler « No Future », le célèbre No Future des punks et laissés pour comptes de cette Angleterre là. Ce titre ne sonnait pas bien pour leur manager Malcolm McLaren – qui la renomma pour coller avec le jubilé. Le 7 juin 1977, quelques jours avant la parade navale, les Sex Pistols louent un bateau et descendent jouer le God Save The Queen devant le parlement pour sa sortie. Ils sont arraisonnés par la police, Branson perdit les 500 £ (de l’époque !) de dépôt pour le bateau, Malcolm McLaren et Vivienne Westwood furent arrêtés. Le single fût immédiatement propulsé à la 2ème place des charts et 150’000 copies vendues en une semaine malgré une interdiction totale d’antenne à la BBC et même sur toutes les radios indépendantes. En faisant le morceau le plus censuré de l’histoire anglaise.
Pourquoi le succès tel d’un simple morceau de punk-rock râpeux et rudimentaire ? Cette Angleterre là avait besoin de catalyseurs et la reine était une cible évidente. En 1977 elle était l’incarnation, que Margaret Thatcher lui ravira dans les 80es, d’une société rattrapée par son temps, percluse de castes, de privilèges indus, d’injustice sociale et de conservatisme sclérosé. Ces punks, et l’explosion de leur mouvement en tous ces genres musicaux, ouvertement ou subliminalement politisés, suivis par le monde entier, furent l’un des catalyseurs des formidables avancées des libertés publiques de ces quinze années finissant à la chute du mur de Berlin. De la formidable diffusion de ces droits et libertés dans le monde libre et au-delà du rideau de fer dont la chute allait se précipiter. Comment interpréter aujourd’hui cette absence de contestation du jubilé de 2012 et de ses symboles ? En Syrie le dictateur Bachar Al-Assad continue verbatim ce soir à traiter grotesquement les insurgés qu’il massacre de terroristes, et d’accuser les puissances subversives étrangères. En Angleterre il s’affirme jour après jour que les tabloïds avaient noyauté tout l’appareil politique et policier. Il y a le réchauffement planétaire, la crise de l’Union Européenne, la crise mondiale, la dette, le Tibet, les droits de l’homme en Chine, la faim dans le monde et j’en passe. Il y a peut-être pires problèmes à dénoncer que cette vieille reine qui ne fait plus de mal à personne, est une attraction touristique et pittoresque, et avec elle la désuétude de la monarchie. Mais surtout il n’y a plus de punks pour le faire.