Honoraires d’avocats et dépens dans les affaires importantes : Quelques rappels sur les limites de la majoration à teneur de l’enjeu hors convention d’honoraires

Posté le 12 janvier, 2009 dans avocats / advocacy

Laissons un moment l’affaire Madoff, encore que ce qui suit se rapportera dans une large mesure à l’activité des avocats dans le cadre de celle-ci, le mode de fixation des honoraires d’avocats est un débat permanent au sein de la profession et avec la clientèle. Il en va de même du point de la majoration des honoraires en cas de succès ou d’enjeu important – en contrepartie, au sein du système, des affaires dans lesquelles l’avocat perçoit des honoraires inférieurs au taux horaire moyen ou à son seuil de rentabilité. C’est plus fréquemment le cas que la clientèle ne l’imagine. C’est particulièrement le cas dans les causes d’office, dans lesquelles c’est un réel problème et dans lesquelles l’avocat assume lui-même économiquement une partie du coût de la défense des démunis. Cela est peut-être noble mais largement anormal. Un arrêt du Tribunal fédéral 2C_25/2008 publié dans la SJ 2008 I p. 481, rendu à cinq juges, est intéressant car il fait directement référence aux usages professionnels et aux critères légaux de fixation des honoraires d’avocats pour trancher une contestation sur les dépens (CHF 900’000.-) dans une affaire portant sur une valeur litigieuse importante (CHF 40 millions). Le TF indique les critères pertinents et les limites d’une majoration à teneur de l’enjeu. L’avocat fixe (à Genève) lui-même ses honoraires, non pas arbitrairement mais en fonction de plusieurs critères définis par la loi dont la base horaire. Le calcul des honoraires, même selon ces critères, apparaît cependant souvent ésotérique à sa clientèle. Les bases contractuelles de fixation des honoraires entre l’avocat et le client sont à ce titre probablement amenées à évoluer vers d’autres modèles plus directement en lien avec la valeur ajoutée des prestations de l’avocat et moins directement en lien avec le seul chronomètre (cf. ce blog du 27 novembre 2008 – et article à venir). La LLCA (art. 12 lit. i) exige en tout état que l’avocat soit transparent en la matière. Le pactum de quota litis est interdit par la LLCA mais pas le pactum de palmario. A Genève, les litiges en matière d’honoraires d’avocats sont soumis à une Commission dite de « taxation », système mal fichu et obsolète mais qui ne fonctionne « pas trop mal » en pratique.

La Commission de taxation est un système bancal et limité, dans la mesure où il s’agit d’une procédure quasi-sommaire avec une instruction limitée dont les décisions ne peuvent être revues que par le TF et dans la limite de l’arbitraire, soit sans appel cantonal. Le système pêche également en tant que la Commission ne peut revoir que la quotité des honoraires, mais pas la bonne ou mauvaise exécution du mandat, laquelle a cependant également un impact sur la contre-prestation d’honoraires. Sa décision ne constitue enfin pas non plus un titre de mainlevée, sauf conditions restrictives jamais réunies en pratique, obligeant l’avocat à obtenir ensuite un jugement civil en procédure ordinaire si son client ne le règle pas. Que de défauts !

Le système ne fonctionne toutefois pas trop mal en pratique dans le sens où une large proportion des litiges sont conciliés, et où les avocats et les clients se soumettent assez largement à la décision de la Commission. C’est plus problématique dans les affaires exceptionnelles dans lesquelles les défauts du système sont plus particulièrement pénalisants. Dans quelques cas, le Tribunal fédéral a ainsi fait usage de la notion d’arbitraire pour intervenir dans des décisions qu’il ne partageait pas. Il existe deux arrêts importants du TF soit les arrêts 4P.256/2005 et 4D_43/2007, outre l’arrêt cité ci-dessus, sur le point de la majoration des honoraires de l’avocat hors convention d’honoraires en cas de succès particulier.

Les trois arrêts renforcent la conviction que sauf à ce que le client soit d’excellente composition et ait une bonne perception de la prime à laquelle l’avocat peut prétendre en pareil cas, l’avocat ne bénéficie que d’une marge de majoration limitée à compter de la loi dans des affaires comportant un enjeu économique très important – et qu’il est avisé dans ces cas là de conclure des conventions d’honoraires comportant un pactum de palmario. C’est cependant parfois un peu difficile et délicat d’entrée de cause. La limite de la base du seul taux horaire est en tout cas apparente : dans les affaires de faible valeur elle pénalise le client par rapport au résultat ; dans celles d’une valeur importante, elle pénalise en revanche l’avocat. Je reviendrai dans un prochain article sur les évolutions qui s’esquissent en matière de critères de fixation des honoraires d’avocat. Quant à la Commission de taxation, elle est certainement vouée à disparaître à terme ou en tout cas sous sa forme ou sous sa saisine actuelle – mais sujet qui n’est sûrement pas dans les priorités courantes du législateur genevois en matière d’organisation judiciaire.  

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