Heureusement qu’il y a de temps à autre des trucs plutôt amusants, ou absurdes, dans ce métier. Ainsi la Loi cantonale genevoise sur les effets et l’application des lois (LEAL) (A 2 10), qui dispose adéquatement par son article unique, que « La loi ne dispose que pour l’avenir; elle n’a point d’effet rétroactif ». Rien que de très naturel pour le juriste de saine composition. Amusant de constater toutefois qu’elle date du … 14 Ventôse XI, soit le 5 mars 1803. Ils étaient bien nos ancêtres. Humour plus noir à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Une zurichoise ne souffrant d’aucune pathologie reprochait aux autorités de ne pas lui donner l’autorisation de se procurer une dose létale de médicament pour se suicider. Véritable sujet de société : les médecins et commissions consultés refusèrent au motif que, précisément, elle ne souffrait d’aucune pathologie. Plutôt que de s’occire sans délai par un autre moyen, elle fit des recours jusqu’aux juges étrangers de Strasbourg. La chronologie montre tout d’abord qu’on a effectivement le temps de mourir dix fois le temps que la Cour l’examine. Sa requête fut déposée en novembre 2008 et la Cour lui donna raison en mai 2013 – pour violation de l’art. 8 sur le droit au respect de la vie privée, qui comporte ainsi le droit à la mort privée fournie par l’Etat, ou en tout cas que cela soit réglementé. Décidément bien mauvaise perdante devant ces juges étrangers, la Suisse demanda le réexamen par la Grande Chambre.
Or cette dame avait finalement obtenu la dose létale et quitté ce bas monde judiciaire en novembre 2011, mais surtout pris des mesures pour que cela ne se sache pas et que la Cour tranche ! Ainsi vexée, la Cour constata un abus de procédure à titre posthume, déclara la requête irrecevable, ce qui annula sa victoire elle aussi posthume devant la Chambre premièrement en charge. Il est foncièrement drôle en tout cas que les honorables représentants de la Suisse devant la Cour se soient échinés à remonter la pente devant la Grande Chambre alors qu’elle était morte – et s’étant plainte de ne pas en recevoir les moyens ! Il faudra donc attendre le prochain suicidaire éconduit. Noriega quant à lui, l’ex-dictateur panaméen ex-allié des Etats-Unis et lourdement condamné depuis, n’avait pas avalé de se voir avatarisé en méchant dans un jeu vidéo auquel jouait son petit fils. Et d’attaquer ainsi l’éditeur de ce jeu Call of Duty: Black Ops II qui doit être un truc bien finaud. Eh bien débouté le dictateur : le succès de ce jeu est dû à la qualité des scénaristes et programmeurs – et non au fait de l’avoir singé. Plus précisément, sous l’angle de la protection de la personnalité, ce jugement constate que le personnage du jeu, même inspiré, est suffisamment transformé et fictionnalisé pour que l’éditeur bénéficie de la liberté d’expression du Ier Amendement de la Constitution. That’s All Folks.