
La fuite d’un rapport de police suédois sur les infractions sexuelles reprochées à Julian Assange – ou l’arroseur arrosé, mais… ?
Or donc, Julian Assange est poursuivi pour des infractions sexuelles en Suède, ce que tout le monde sait. Lui et ses supporters invoquent la coïncidence de ces poursuites avec l’ire américaine sur la mise en ligne de matériel classifié américain pour crier au complot – international. L’avenir le dira, probablement pas, mais là n’est pas la question du jour. Les médias ont eu accès à un rapport de police suédois sur l’enquête – constituant une fuite illicite. Et ses avocats de s’en plaindre ! Cela porte atteinte selon eux à sa défense, et tente de faire illégitimement déplacer son procès pénal dans les médias. Quand même un comble s’agissant de celui qui a fait vocation de révéler des informations secrètes et fuies illicitement ! Comment apprécier cette situation ? D’aucuns diront que Wikileaks révèle des crimes de guerre, et non des informations judiciaires sur un particulier disposant de droits de partie dans une poursuite pénale – dont celui à un procès équitable. Mais les militaires et décideurs susceptibles d’être poursuivis pour des crimes révélés par Wikileaks ont aussi droit au respect de leurs droits de défense. Y compris par hypothèse un ancien président. Pour tout avocat défenseur, de telles fuites sont détestables. Elle biaisent effectivement la loyauté du procès pénal. Mais finalement, comme déjà dit, cette situation pose des questions parfaitement habituelles et balisées en droit civil, pénal et public.
Cette fuite est-elle illicite ? Oui. Assange est-il un personnage public ? Oui. Un personnage public a-t-il un droit au respect du secret de procédure pour une affaire pénale privée ? Oui. De l’autre côté de la barrière du média, y a-t-il un intérêt public à cette diffusion ? Oui. Cet intérêt public est-il renforcé dès lors qu’Assange plaide que cette poursuite pénale pour infractions sexuelles est un complot politique en lien avec les actions – publiques par essence – de Wikileaks ? Oui. In fine, la râlerie de ses avocats tombe donc bien mal à propos. La frontière demeure celle de l’intérêt public – au tournant auquel Wikileaks se trouve en proposant de faire des révélations à caractère privé ou sur des personnes privées en matière bancaire. Il est intéressant que cette fuite policière suédoise soit arrivée dans ce cas-là car la cohérence du propos, ou les contradictions de la personne touchée, sont importants. Wikileaks plaide la transparence, la fuite. Or il y a tous les jours des personnes accusées, publiques et célèbres ou non, qui souffrent de fuites illicites dans des procédures qui les visent. Et dont personne ne fait grand cas de ces violations du droit et d’un secret protégé. A suivre – pour la cohérence du débat et du personnage.