
Affaire Falciani/HSBC : Pourquoi le Ministère public de la Confédération n’a-t-il pas interrogé le Procureur de Montgolfier présent à Lausanne le 18 mars pour une conférence ?
Ainsi donc, le Procureur de Nice, Eric de Montgolfier, était à Lausanne le 18 mars à l’invitation du Barreau vaudois pour débattre, avec son homologue vaudois, de l’indépendance de la justice. Fort bien – et sûrement très intéressant. L’indépendance de la justice est une vraie question, et une condition de l’Etat de droit. Pas seulement envers le justiciable ou les autres pouvoirs de l’Etat – mais aussi en interne, comme celle des juges du siège d’exercer un vrai et nécessaire contrôle du Ministère public. Mais cela étant dit la France a fait mille misères à la Suisse dans cette affaire, même si la Cour d’Appel de Paris vient de recadrer une part du débat en sanctionnant l’illicéité de la preuve au plan de l’enquête fiscale. La France a tout d’abord refusé de s’engager à ne pas utiliser les fichiers volés, dans le contexte alors délicat de la signature des conventions de double imposition révisées modèle OCDE. Et pis elle les a refilés sans vergogne, acte de recel s’il en est, et en s’en vantant, à d’autres Etats. Mais au plan judiciaire et de l’entraide, elle a aussi d’abord refusé de restituer les fichiers volés, même en copie, puis in fine protégé le voleur auteur de délits pénaux dans un pays membre entre autres de la CEEJ. La question se pose donc en des termes qui ne sont pas nécessairement fantaisistes : le MPC s’est-il posé la question de saisir l’occasion pour interroger M. de Montgolfier ne serait-ce qu’en tant que témoin des infractions commises en Suisse, dont le produit a été recelé en France ? Et de savoir si un magistrat d’un parquet étranger en visite privée jouissait d’un quelconque empêchement de témoigner en Suisse sur le contenu d’une procédure pénale à l’étranger ?
La voie pour connaître le contenu d’une enquête en cours dans un Etat avec lequel la Suisse est lié par convention est probablement en premier lieu et en principe l’entraide. Mais encore faut-il qu’elle fonctionne en conformité de la convention. Il aurait été drôle et piquant que le MPC intervienne à l’occasion de cette conférence et prie M. le Procureur de la République de venir répondre à quelques questions. Mais le sujet n’est pas drôle pour autant ni la perspective qu’un magistrat d’un Etat se retrouve être entendu par les magistrats d’un autre Etat. En l’occurrence la question revêtait néanmoins une légitimité tout à fait certaine.