Projet de réforme de la formation d’avocat à Genève : Ca traîne à n’en plus finir – et deux écueils à éviter absolument

Posté le 18 mars, 2009 dans avocats / advocacy

La réforme de la formation et du stage d’avocat à Genève est urgente mais en chantier depuis… 2004. Le projet de loi publié sur Internet par l’Etat de Genève date du 22 décembre 2008. Apparemment, la Commission judiciaire et de police doit encore réfléchir (sur quoi donc vu le temps depuis lequel l’ouvrage est sur le métier ?), avec l’espoir qu’il passe devant le Grand Conseil en automne 2009. Cette lenteur est désespérante et préjudiciable à toutes les parties en cause et notamment à l’économie du canton. L’impulsion de cette réforme, donnée par l’OdA en 2004 après sa propre réflexion (cf. le projet de 2004 et sa version de 2006), partait d’un constat multiple. La gestion et la logistique des examens de brevet par une commission de milice devenaient de plus en plus difficiles, compte tenu du nombre élevé de candidats par session, entre septante et cent. Le format des examens eux-mêmes, loin d’être idéal mais imposé par le nombre. Le stage de deux ans selon un modèle séculaire n’était plus garant d’une formation adéquate. La réforme de Bologne, allongeant les études universitaires, allongeait à nouveau un cursus lequel, de sept à huit ans en pratique, était devenu beaucoup trop long – et donc coûteux pour la collectivité et les candidats à la profession. Le nombre d’échecs élevé par session interpellait quant à la qualité du stage et de la formation, et les candidats en échec définitif se retrouvaient sans titre trois ans après la fin de leurs études de droit. L’idée fut donc développée, avec la faculté de droit, de regrouper et de renforcer les cours donnés pendant le stage, et d’en faire une véritable école d’avocature d’un semestre venant compléter le Master. Les examens de brevet devaient être subis à l’issue de ce cycle, et réussis pour accomplir le stage, ramené à un an et sans plus d’examen à son issue. Le stage devenait ainsi une vraie période de formation pratique à simplement accomplir, permettant, fait favorable aux Etudes comme aux stagiaires, de passer sans transition ni temps mort du stage à la collaboration. La formule évitait la période actuelle de révision de trois à cinq mois, puis le mois d’examens, et les temps morts selon les dates des sessions.

Genève demanda en vain aux Chambres fédérales une petite modification nécessaire à cette fin de l’article 7 LLCA, parfaitement conforme au fédéralisme et conservant les trois exigences fédérales pour l’accès à la profession, soit un titre universitaire, un stage d’un an au moins et un examen professionnel. Cette modification ne fut pas obtenue – alors que Zurich obtînt la sienne de pouvoir commencer le stage après le Bachelor soit sans avoir encore obtenu le nouveau Master issu de Bologne. M. Blocher, zurichois, était alors le chef du DFJP. Qu’est devenu ce projet initial ? Un vrai projet, bien conçu et prometteur, d’école d’avocature s’insérant à la suite du Master, mais qui présente deux risques ou défauts. La démarche est inaboutie en ce sens que la LLCA impose donc encore un examen à l’issue du stage. C’est là l’un des risques d’écueil majeur de cette réforme. Il faut à tout prix éviter que la nouvelle formule recrée une sorte de pause nécessaire entre la fin du stage et l’examen, avec une période de révision même extra legem mais que tous les candidats se sentiront devoir accomplir dès l’instant ou quelques uns le feront. Après dix-huit mois de stage, la tentation sera grande de réviser à nouveau le droit matériel – comme actuellement, ce qui est un défaut important du système. Une solution en ce sens pourrait être de donner un accès complet à toute la matière et tous les outils du droit. Il faudrait idéalement, pour éviter de dénaturer cette réforme et d’en amenuiser les progrès, que cet examen soit le plus léger et pratique possible, et se passe dans la foulée du stage. Il faut en tout cas que sa formule exclue et empêche toute période de révision et tout temps mort, et que les candidats puissent passer directement du stage à l’examen, puis à l’inscription définitive au registre sans interruption de leur cursus. Il faut ensuite que le stage soit d’un an et non de dix-huit mois, formule hybride et de mauvais compromis du projet en sa version actuelle. Faisons bêtement les comptes. Il y a vingt ans, la licence durait trois ans pour les plus rapides, souvent trois ans et un semestre, parfois quatre ans. Puis le stage, révision comprise, prenait deux ans. Les plus rapides parvenaient au brevet en cinq ans, la moyenne en six. Puis la licence est passée à quatre ans. Puis la réforme de Bologne a allongé les études de droit à quatre ans et demi, trois ans de Bachelor et dix-huit mois de Master. Avec les deux ans de stage, le minimum est monté à six ans et demi. En pratique, avec les temps morts et/ou la répétition d’une session de brevet, la durée du cursus est aujourd’hui de sept à huit ans.

C’est beaucoup trop long pour accéder à la profession d’avocat. Il est illusoire de penser que dix-huit mois de stage au lieu d’une année améliorent la formation de manière sensible, et sont ainsi nécessaires ou même utiles en termes de protection du public et de police économique – ce qui est la ratio de la loi. Le progrès apporté par le projet réside ailleurs: i) dans le renforcement de la formation par l’école d’avocature et ii) dans la suppression de ses défauts dont une durée excessive, une mauvaise articulation temporelle et un système d’examens dépassé. Il faut aller au bout du raisonnement et non pas s’arrêter à un compromis insatisfaisant. Il est impératif de ramener le stage à un an pour compenser les effets de Bologne et ramener le cursus à, pour les plus rapides, six ans (quatre ans et demi pour le Master, six mois d’école d’avocature et un an de stage). Chaque semestre ou année de gagnés à réorganiser intelligemment le cursus diminuent la durée pendant laquelle le candidat  la profession « coûte » à la collectivité, et l’amènent plus rapidement à gagner réellement sa vie et à payer des impôts, à son bénéfice et à celui de la collectivité. Si la réforme entre en vigueur en 2010, il aura fallu six ans pour qu’elle aboutisse. Certes le projet initial était relativement novateur. Certes il a fallu le rendre réalisable, le financer, compter avec les lenteurs résultant de l’implication de plusieurs départements, services, organismes et de l’Université, composer avec les susceptibilités des uns et des autres. Que de projets vont lentement sous la présidence actuelle de ce département ! C’est inacceptablement trop long. Dans nombre d’autres pays, cette réforme aurait été ficelée en deux voire trois ans au maximum, parce que tout simplement urgente et dans l’intérêt à la fois d’une profession de services importante en poids économique et de l’économie du canton en général. Yes We Can ou Just Do It, il faut y aller !

une réponse à “ Projet de réforme de la formation d’avocat à Genève : Ca traîne à n’en plus finir – et deux écueils à éviter absolument ”

  1. Patrick Eberhardt dit :

    Je ne comprends pas pourquoi Genève n’adapte pas tout simplement le système zurichois: 12 mois de stage suivi par l’examen de barreau.

    Je n’ai pas l’impression que les avocats zurichois sont moins bien formés que leurs confrères genevois qui ont subi à deux ans de stage (voire exploitation) et qui doivent bientôt encore perdre 6 mois dans l’école d’advocature (tant que ce projet voit la lumière ce qui est plus que douteux…).

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