
Nouvelle ordonnance sur la protection des animaux : Du droit à la vie sociale du cochon d’Inde à la faim dans le monde
Tout le monde a lu dans la presse il y a quelques jours les articles consacrés à la nouvelle Ordonnance fédérale sur la protection des animaux, évoquée avec sérieux, humour ou sarcasme, y compris par la NZZ, en tant qu’elle ordonne littéralement d’acheter les cochons d’Inde par deux au titre de leur droit à une vie sociale. Ce n’est certes pas là la seule chose qu’il faille retenir de ce texte sûrement utile à de nombreux et plus sérieux égards. Peu sont toutefois allés la lire et je vous ASSURE qu’elle vaut le détour. Tout juriste suisse DEVRAIT même l’avoir lue pour voir de quelles merveilles réglementaires notre valeureuse administration est capable ! Tout y est sur 159 pages, aucun animal de la création n’y échappe à voir la taille de son enclos réglementée en Suisse au centimètre près !
Vous me sentez quelque peu sarcastique ? Je le suis car c’est le premier sentiment qui vient à l’esprit en lisant ce texte délirant. Au second abord, à vrai dire, je me pose sérieusement plusieurs questions plus sérieuses.
Est-il ou n’est-il pas ridicule, dérisoire, ou même choquant, de réglementer la sociabilité du cochon d’Inde alors que des milliards d’êtres humains ne mangent pas à leur faim ou ne disposent pas d’eau salubre ? Que la planète se meurt de son réchauffement et que pendant qu’on réglemente la taille des enclos des invertébrés en Suisse, les parlements traînent à imposer à l’industrie automobile la norme de 135 microgrammes de CO2 pour ne pas affecter l’économie, la croissance et le pouvoir d’achat, bref le bien-être de leurs électeurs ? Sans parler de l’AVS, de la santé, des conflits armés dans le monde et j’en passe.
Sérieusement, en d’autres termes, une société qui micro-réglemente à ce point la vie des animaux alors que tant de problèmes des humains ne sont pas réglés est elle a) une société trop anthropomorphiste qui déraille et qui a perdu le sens des valeurs, ou b) une société sensible et évoluée qui, parce qu’elle a atteint un niveau de développement économique et intellectuel le lui permettant, a précisément le sens des valeurs et a su en développer d’autres que le seul bien-être des hommes ? Même en y songeant en conservant à l’esprit d’un côté le cochon d’Inde et de l’autre la faim dans le monde, difficile d’y répondre. A de petites ordonnances parfois de grandes questions… Anyone ?
Nous vivons dans un monde formidable et en Suisse il est encore plus formidable. La lecture de l’ordonnance sur la protection des animaux nous fait penser qu’à Berne nous disposons de fonctionnaires dévoués d’une rare qualité et précision. Avec ce type de fonctionnaires l’on dissertera doctment sur le fait qu’un âne est un cheval selon la définition de l’ordonnance! (Art. 2 al.3 lit. p « chevaux: animaux domestiqués de l’espèce équine, à savoir les chevaux proprement dits, les poneys, les ânes, les mulets et les bardots; »). L’on saura également qu’il faudra « fournir la protection nécéssaire aux animaux qui ne peuvent s’adapter aux conditons météorologiques « ( OPAn, Art. 6). Je redoute le jour où ces mêmes fonctionnaires seront affectés au bureau de l’égalité…ou à la promotion de la famille.