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La Place Tahrir pour la Justice – et la religion est-elle soluble dans la démocratie ?

Mais tout d’abord toujours et encore cette même rhétorique dont aucun dictateur aguerri ou en herbe ne comprendra donc jamais qu’elle a vécu : « ce soulèvement est une subversion orchestrée depuis l’étranger par des ennemis de la nation ». Ou comment rêver encore d’en appeler mais sans plus aucune chance aucune à un sentiment nationaliste – alors qu’il est aujourd’hui du côté d’insurgés parfaitement au fait de ce qu’ils réclament. Mais passons. Mohamed Morsi a commis une erreur fondamentale que le retrait de son décret de plein pouvoirs ne pourra pas gommer : museler la justice. Or la justice, une justice libre liée à un Etat de droit, était l’un des moteurs de la Révolution, des Printemps arabes – et restera une aspiration désormais inextinguible des Egyptiens. Parce qu’à l’époque du village global et des technologies de l’information, les Egyptiens voient bien ce qui constitue le progrès ailleurs, ce qui fonctionne bien ou mieux ailleurs, et ce lien évident et avéré entre justice, Etat de droit, démocratie et prospérité. L’Egypte n’oubliera pas de sitôt les années de confiscation d’une part essentielle du PIB par le clan Moubarak et ses cronies, la justice n’étant qu’un concept applicable aux pauvres et l’instrument du pouvoir et des possédants. Et il n’y a là aucun retour en arrière possible. Un peu plus inquiétante est toutefois la division par moitié des Egyptiens entre islamistes et libéraux – et qui pose la question plus que jamais fondamentale : la religion est-elle soluble dans la démocratie ?

Si la laïcité a fait l’entier de son chemin dans les constitutions qui sont matériellement les plus révolutionnaires, même si certaines conservent une référence à dieu ou des institutions dont les racines sont judéo-chrétiennes, cette question est aujourd’hui respectivement dépassée, revenant par la fenêtre ou un enjeu aigu – comme en Egypte. L’irrationalité philosophiquement inhérente à toute religion en rend les principes inarbitrables – et donc difficilement solubles dans un processus démocratique agissant en temps réel et en prise directe. Pour autant, ce qu’a dit ou voulu un dieu qui n’existe pas demeure être une création humaine collective sociale fonctionnant simplement avec la distinction du transfert sur une volonté tierce immatérielle présumée ou affirmée. Le degré de nature démocratique ou consensuelle de règles prises dans le cadre religieux est donc historiquement et culturellement variable, avec le défaut lui invariable et démontré de l’exploitation de l’irrationalité et de l’inaltérabilité qu’elle permet par une minorité aux dépens des autres. Il y a lieu de distinguer dans des règles de source religieuse celles dont le caractère est exclusivement d’organisation sociale de celles qui comportent une part élevée ou inhérente d’irrationalité. Celles-là seront à jamais inconciliables avec la démocratie. Faut-il craindre ainsi des constitutions reprenant la loi religieuse ou des textes dits saints ?

Philosophiquement certainement – et le catalogue est long des règles et institutions religieuses liberticides et anti-démocratiques dont il a fallu des siècles pour venir à bout dans les constitutions révolutionnaires modernes au bénéfice de tous. In casu cela représente plus probablement un passage obligé – mais dans une évolution qui ira bien plus vite que ce qu’il a fallu au monde chrétien depuis les Lumières pour y parvenir.