La route – élément primaire de la vie de tous, facteur cadre de l’économie et de la vie personnelle, lieu de frustration et de grogne, de temps perdu, pour l’économie et la vie personnelle, de risque et d’accidents, et trait d’union par la liberté fondamentale de se mouvoir. La route est un espace éminemment juridique, régi par le droit. Mais qui reste l’une des activités humaines dans lesquelles la violation des règles, la « délinquance » fait le plus de morts et de blessés – loin devant toute autre forme de criminalité. Au plan des accidents, les femmes en causent plus que les hommes, conformément à une vieille croyance machiste et contrairement à une autre selon laquelle les femmes seraient plus calmes et plus responsables. Le risque est de 25% supérieur chez les femmes, constat qui s’aggrave en termes relatifs dès lors que les femmes parcourent 40% de kilomètres en moins (source : SUVA). Les femmes résisteraient moins au stress du trafic. Le BPA relativise toutefois en ce que les femmes roulent moins sur les portions les plus sûres du réseau, les autoroutes, et que les accidents provoqués par des hommes sont plus graves, et les femmes en étant souvent les victimes. Si les accidents et leur gravité ont diminué au fil des vingt dernières années à la faveur d’évolutions des règles et sanctions, et de la sécurité des véhicules et du réseau, le programme Via Sicura continuera sur cette lancée, en éliminant les situations potentiellement dangereuses, par une répression accrue et par l’éloignement du volant des conducteurs dangereux. La norme sur les « chauffards » fait de la Suisse un pays précurseur : il sera possible d’y être poursuivi plus durement pour une situation de mise en danger sans sa réalisation que pour d’autres infractions pénales ordinaires intentionnelles ayant produit une lésion. Excessif ? Scandaleux ? Racket ?

Evidemment non. Les arguments de Café du Commerce selon lesquels il n’est pas dangereux de rouler à 200 km/h de nuit sur une autoroute déserte, que les professionnels conduisent mieux car beaucoup et doivent bénéficier d’une tolérance vu qu’ils ont besoin de leur véhicule, qu’il n’est pas grave de téléphoner car on y arrive très bien, ou qu’on peut avoir un accident en respectant les limitations, ou encore qu’il est plus dangereux de les respecter car on est plus concentré en roulant plus vite, n’ont de portée ni juridique ni scientifique. Il est aisé de respecter les règles et les vitesses prescrites – et de ne pas être sanctionné ni « racketté ». Le transport aérien est l’une des activités les plus réglementées du monde. Aucun passager d’un avion n’accepterait que les pilotes respectent leurs règles avec les mêmes tolérances que ce que certains estiment acceptable sur la route. Tous ces comportements créent de manière générale un risque accru qui se traduit par une réalisation statistique – l’augmentation du risque est d’un facteur trois en téléphonant et vingt-cinq en tapant un sms. Nombreux sont ceux qui se plaignent des radars et de leur racket en plein jour sur route sèche sans danger. En termes statistiques, ils ont contrôlé (fixes et mobiles, feux et vitesse) 43 millions de véhicules ! à Genève en 2012, avec 0,41% d’infractions – soit 176’000. Le Ministère public genevois a ainsi estimé utile de rendre public son barème résultant des changements intervenus au 1er janvier 2013 – par transparence et pour que les conducteurs sachent à quoi s’en tenir. Les accidents graves ont été divisés par dix en trente ans. Personne ne peut naturellement s’en plaindre.

Le bruit enfin est une nuisance qui porte atteinte à la santé. Le dommage est en Suisse d’un milliard de francs par an entre les frais de santé et la perte de valeur de l’immobilier affecté par le bruit (source : OFEV). Les moteurs et échappements des voitures modernes ne font presque plus de bruit. La principale source sonore est les bruits de roulement. Les manufacturiers travaillent pour réduire le bruit des pneus, réduction qui peut aller jusqu’à la moitié, et l’Etat dépense des sommes importantes pour réduire de 2-3-4 décibels le bruit des revêtements, installer des murs anti-bruit ou enterrer des portions de réseau en zone résidentielle. La pollution sonore est un « défi » et un programme de l’Ofrou, son directeur dixit. Et le moindre frimeur en Harley qui traverse Paris la nuit cause une nuisance à 100’000 personnes selon un étude française. Les Harley ont toutes un pot trafiqué pour faire leur gros bruit caractéristique. C’est peut être très bien sur la Route 66 dans les champs du Midwest – mais pas dans un pays comme la Suisse. Que font les autorités ? Rien. Pas vu en vingt ans un seul contrôle par la police d’une Harley, Ducati ou Yamaha T-Max au pot trafiqué, comme s’il était cool d’emmerder tout le monde – voisins, passants, terrasses, habitants. Et alors que le pot non-trafiqué même d’une Harley respecte parfaitement les normes. Haussement d’épaules au Service des automobiles de Genève, interpellé : les véhicules sont présentés au contrôle avec un pot au normes, aussitôt après remplacé par le pot trafiqué, souvent par le concessionnaire. Tolérance moindre en France où la police saisit et détruit régulièrement le matériel frelaté chez les concessionnaires. A Genève la Commission d’évaluation des politiques publiques a constaté dans un rapport que la politique cantonale sur ce sujet était très insuffisante. La trafic routier est visé en tant que source de nuisance – mais en tant que trafic dans son ensemble et des infrastructures, et rien sur les deux roues en situation irrégulière qui ne sont pourtant pas des cas isolés et chacun d’eux une nuisance élevée. Une Ducati ou une Harley n’est pas une moins belle machine si elle n’assourdit pas tout le quartier. La police ne fait rien. Sauf geste civique de ces conducteurs réalisant qu’ils sont une nuisance, ça doit être le prochain combat.