L’absence de droit à un prélèvement d’ADN automatique par la police – la décision de la Cour de Justice de Genève du 20 avril 2011

Posté le 3 juin, 2011 dans droit / law

La Tribune de Genève a relaté le 10 mai une décision de la Cour de justice de Genève (ACPR 78/2011 du 20 avril) annulant un prélèvement d’ADN par la police dans le cadre de l’arrestation provisoire et d’une perquisition envers une personne suspectée d’escroquerie. Ce qui est court est bref comme disait l’autre, et cet arrêt est sur le fond du problème court, direct et juste. La Cour relève que selon le Code de procédure pénale, un prélèvement d’ADN peut être effectué pour élucider un crime ou un délit. L’établissement d’un profil ADN doit servir à élucider un crime ou un délit donné, mais ne vise pas à établir une banque de donnée générale qui serait alimentée par des prélèvements systématiques lors d’arrestations. Sous l’angle de l’atteinte à la sphère privée et du principe général de la proportionnalité, un prélèvement d’ADN n’est pas admissible si une infraction peut être élucidée différemment ou est de faible gravité. Dans la pesée d’intérêts de l’examen de la proportionnalité, la Cour estime que l’atteinte à la sphère privée que représente le prélèvement est de peu de gravité, mais contrebalancée en l’espèce par le fait que la personne concernée n’avait pas d’antécédents et que la perquisition n’a produit aucun indice à charge. La Cour relève au surplus, ce qui est une évidence mais encore faut-il qu’elle soit dite, qu’un prélèvement d’ADN n’est d’aucune utilité pour élucider une escroquerie. L’élément le plus important de l’arrêt est toutefois encore ailleurs.

Il réside dans la considération que d’être suspect dans une cause déterminée ne saurait justifier par principe ni l’alimentation d’une banque générale de données du profil ADN de la personne concernée, ni d’utiliser cette ressource « à tout hasard » pour déterminer si la personne serait impliquée dans d’autres délits susceptibles d’être établis par un profil ADN. Ce point est très important. Il rappelle in fine, sans amples développements mais d’une manière juste et qui touche aux droits fondamentaux, que l’enquête pour une infraction donnée pour laquelle il existe une prévention ne crée pas automatiquement de droit d’investiguer à tout hasard, ou sur une simple potentialité hors d’une autre prévention, d’autres faits ou l’entier des activités d’une personne.

Il serait angélique de considérer que la police et les autorités de poursuite pénale ne l’ont jamais fait – c’est une méthode et de nombreux exemples existent. De fait, la police arrête régulièrement des auteurs d’infractions, par exemple de brigandages, parce qu’ils violent les règles de la circulation routière. Ou un auteur d’une infraction à caractère sexuel non-élucidée parce qu’il est prévenu dans autre une affaire similaire. C’est précisément la juste application du principe de proportionnalité qui constitue le garde-fou et détermine la frontière entre une enquête « a priori » contraire aux droits fondamentaux et les cas dans lesquels la gravité de certains comportements et/ou des circonstances qualifiées justifient la recherche de tels recoupements. Il est inquiétant au plan du droit et des principes que la police genevoise ait dans cette affaire soutenu la position d’un droit à un prélèvement d’ADN et à une comparaison systématique sans égard au contexte. La décision de justice qui s’en est suivie est donc à saluer.

une réponse à “ L’absence de droit à un prélèvement d’ADN automatique par la police – la décision de la Cour de Justice de Genève du 20 avril 2011 ”

  1. D.H. dit :

    Maître,

    J’entends bien ce que vous voulez transmettre comme idéal.

    Mais l’ADN reste un outil indispensable à la résolution de nombreux crimes, plus particulièrement les cambriolages et les crimes violents ou sexuels. J’ai pu le constater moi-même durant un stage dans un service d’identité judiciaire.

    De ce fait, il est particulièrement étonnant qu’il ne soit pas logé à la même enseigne que les données signalétiques telles que les empreintes digitales, les empreintes d’oreilles (pour les cambriolages), etc. Selon le CPP (art. 260 al. 2), la saisie de telles données n’est pas soumise aux exigences très strictes de la saisie de l’ADN. Pourtant, là aussi, les ED ne sont souvent d’aucune utilité pour résoudre une escroquerie ou une gestion déloyale.

    Par ailleurs, la police se restreint avec la prise d’ADN. Non parce qu’elle respecte le droit à la lettre, mais parce que les prélèvements ADN coûtent très cher (plus de 300.- par FMJ).

    Un dernier mot pour clore ce qui est déjà trop long. Si quelqu’un est reconnu coupable d’un crime, c’est qu’il a déjà fauté. Savoir que son ADN est enregistré (par application de 257 CPP par exemple), peut être un léger frein si la tentation vient à nouveau de se frotter aux normes pénales.

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