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L’affaire Chevron Equateur – l’impasse (?) et l’échec institutionnel du jugement obtenu par fraude

Une affaire fait régulièrement les unes juridiques aux Etats-Unis – opposant depuis 2003 des plaignants équatoriens à Chevron pour des pollutions causées sur leurs terres en Amazonie par l’ex-Texaco acquise en 2001. La justice équatorienne a en 2011 condamné Chevron à 18,2 milliards de dollars de dommages-intérêts, jugement ramené à 9,5 en appel. Depuis c’est la guerre pour exécuter ce jugement hors d’Equateur, Chevron n’y ayant plus guère d’actifs. En l’absence de traité de reconnaissance et d’exécution entre l’Equateur et les Etats-Unis, le faire exécuter aux Etats-Unis contre une société américaine est loin d’être simple – a fortiori s’il est argué de fraude. Aux Etats-Unis, la reconnaissance d’un jugement étranger hors d’un traité est du ressort du droit des Etats. En 2011, avant d’être condamnée en Equateur, et sachant qu’elle allait l’être, Chevron a pris les devants et ouvert action à New-York pour empêcher par avance les plaignants d’exécuter le jugement aux Etats-Unis. Un juge l’a suivie lui accordant en mars 2011 une interdiction d’exécution worldwide sauf l’Equateur. En septembre 2011, la Cour d’appel du 2ème Circuit a cassé ce jugement – considérant qu’un juge américain ne pouvait ordonner une telle interdiction d’exécution hors des Etats-Unis s’agissant d’un jugement étranger. Manifestement ce juge n’aime pas les plaignants et leur avocat américain, un certain Steven Donziger : il vient de rendre un nouveau jugement de 485 pages (!) – empêchant les plaignants de faire exécuter le jugement dans tous les Etats-Unis.

Et ce jugement y va fort : l’équipe de Donziger est accusée rien moins que de contrainte, extorsion, corruption, blanchiment et fraude au procès – pour avoir fabriqué des preuves et littéralement écrit le jugement équatorien. Pour Chevron, qui se félicite de ce jugement et conteste tout dommage environnemental, le jugement est une fraude et même une véritable entreprise criminelle. Les plaignants équatoriens le contestent véhémentement : ne s’étant jamais fait d’illusions quant à pouvoir faire condamner Chevron aux Etats-Unis, ils contestent à la justice américaine de pouvoir juger de leur jugement rendu à l’unanimité de leur Cour Suprême – et continueront à tenter de le faire exécuter dans d’autres pays où Chevron a des actifs, comme le Brésil et le Canada.

Naturellement tout cela interpelle. Un jugement doit être un jugement : juste, vrai, fondé, final. Alors tout est simple : justice est rendue et il est exécuté. Carré et manichéen. La réalité l’est parfois moins. Chaque jugement est à un degré donné éloigné de la réalité par son fondement dans la vérité judiciaire – plutôt que dans la vérité tout court. Lorsqu’il est influencé, ou fabriqué, de manière illicite, c’est l’institution elle-même qui est mise en péril. Les droits de procédure connaissent des mécanismes de correction des jugements établis sur des bases fausses. Même si elles ne sont pas faciles à utiliser. L’institution n’aime pas que ses jugements soient remis en question – sauf cas évident de biais des preuves ou de la procédure. Et elle aime qu’un jugement ponctue une cause, qu’il en finisse. La figure de l’escroquerie au procès existe également – et légitimement. Mais faut-il alors que le premier jugement soit invalidé ou révisé ? Quid lorsqu’il s’agit de jugements rendus dans des Etats différents ? Et que c’est finalement ici également une croisade économico-politique ? La suite le dira et la justice est aussi là pour cela.