LANGUE DE BOIS

Posté le 16 octobre, 2016 dans divers

Intérêt par définition pour le premier débat de la primaire de droite, avec ses chevaux de retour et figurants. L’avocat et le politicien sont des rhéteurs – même si l’exercice est différent : le premier doit convaincre un juge de faits et du droit, sur la base de la loi et de règles de preuve ; le second doit convaincre chacun, ce qui est vaste, de son action future. Et résigné à ce que la France ne soit pas le Canada ni n’ait de Justin Trudeau sous le pied. Le système des partis et les cursus électifs et gouvernementaux sont conçus de manière complexe et féodale, pour protéger, proposer et élire à l’ancienneté. Les ex-quadras ambitieux devenus quinquas le réalisent avec frustration : le train passe pour eux, parce que les vieux sont encore bien là. Mais pour certains parce qu’ils sont un peu juste, pour n’avoir été aspirés dans la filière qu’en tant que bons faire-valoirs. Ce qui a frappé, il faudrait être candide pour en être surpris mais le facteur sept l’amplifiait, était l’inévitable refuge dans la langue de bois. L’escamotage des idées et problèmes par des formules générales, banales, élimées, dont on ne peut plus. Tout y est passé, comme d’habitude finalement : le changement, les valeurs, rassembler, la vérité, le déclin, la faillite, redorer le blason, remonter la pente, la honte, la crise, l’emploi, la fracture, les réformes, les français, les françaises, les compatriotes, la république. Et cette incapacité maladive, fonctionnelle, à ne pas répondre directement et intelligiblement. La langue de bois est une figure de rhétorique. Fascinant qu’aucun ne s’en affranchisse, ne le veuille, ou même ne le réalise. Qu’aucun communiquant n’en soit capable non plus ou ne puisse l’imposer à son champion.

L’exercice est difficile. Il faut jongler avec des sujets complexes, symboliques, sans pertinence, moraux, économiques, sociétaux, en n’y consacrant que quelques instants et avec une obligation de simplicité sinon de simplisme. Se montrer compatissant, concerné, combatif, mais pas clivant. Difficile de ne pas être sur une part de défensive. Mais aucun n’est capable de livrer de manière convaincante et sincère de vraies bonnes raisons de lui faire confiance – et a fortiori s’agissant de politiciens qui ont été aux manettes. L’époque de Giscard et de Mitterrand a vu l’avènement de la politique-pub, des slogans et des symboles. Mais elle était une nouvelle ère dans le cheminement politique de l’après-guerre, portée par de nouveaux médias, avec la révolution que fut 1981. Elle est passée – même s’il faut bien, probablement, définir un slogan de base d’une campagne, presque nécessairement banal, parfois, rarement, génial ou juste. Attendre de nouveaux mots, une nouvelle approche, une nouvelle posture, de ceux qui n’ont eu qu’un seul et même même biberon politique, est probablement illusoire. Ce qui nous laisse leur bonne, ou mauvaise, tête, au sein de ce choix réducteur – même si les primaires sont un progrès. A gauche, on va souffrir de manière divertissante avec les Montebourg et Mélenchon, s’attrister des lacunes des second-couteaux, et Hollande sera sur le même registre. Plus étonnant que la seule once d’approche et de sang-neuf, Macron, se canevasse lui aussi dans une langue de bois très traditionnelle. Chacun veut ou revendique le changement. Aucun ne change le langage pour y parvenir. A voir qui ira y chercher l’immense marge de progression qui s’y trouve pour prendre le dessus en parlant enfin autrement.

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