
Le droit comme formation – adapté à ma petite entreprise ?
Le droit mène à tout – à condition d’en sortir, c’est bien connu. A Genève et en Suisse, les études de droit sont traditionnellement centrées sur la matière et le contenu, enseigner le droit dans sa globalité et de manière panoramique. Le juriste sort de là en connaissant « le droit », l’ensemble du système – hors spécialisation. Le droit mène traditionnellement au Barreau. J’entends par-là que les études de droit sont historiquement conçues comme constituant la base de connaissances nécessaires à celui qui devient ensuite avocat, ajoutant à cette formation théorique complète le stage pratique d’avocat. Le juriste est-il en revanche formé pour travailler en entreprise ? La réponse est plus délicate. Elle est en outre faussée par le fait que le secteur privé et l’administration ont pris l’habitude de recruter des juristes ayant complété leur formation par le brevet d’avocat. Pourquoi n’engager « qu’un » juriste puisqu’il y a pléthore de titulaires du brevet sur le marché ? Le brevet prépare-t-il ou complète-t-il utilement les études de droit pour travailler en entreprise ? Loin d’être certain puisque celui qui se forme comme avocat apprend la justice et la procédure – et non a priori comment une entreprise fonctionne et les services juridiques plus en lien avec l’activité commerciale dont elle a besoin. Le Barreau a ainsi pendant des années complété la formation de juristes ne se destinant pas au Barreau uniquement sur la valeur du titre. Mais sans leur apporter de contenu réellement utile à l’entreprise, sinon la connaissance du contentieux judiciaire mais qui n’est qu’une partie relative des services juridiques dont elle a besoin.
C’est ainsi qu’est né il y a une grosse dizaine d’années le MBL des universités de Genève et Lausanne, d’une juste appréciation du problème et pour offrir aux entreprises des juristes plus adaptés à leurs besoins. L’exercice n’a été qu’un demi-succès, passablement par la faute du « marché », des entreprises elles-mêmes, ayant continué à engager des brevetés, cas échéant des brevetés avec d’autres LLM’s ou le MBL – ce qui n’était précisément pas le but de l’exercice. Et faute aussi pour les entreprises, notamment les moyennes et grosses PME, de l’avoir davantage soutenu. La question demeure donc : de quel juriste l’entreprise, et au-delà de notre monoculture finance/services, les PME ont-elles besoin ? La question est d’autant plus réelle que les PME sont assez mal servies en externe. Les avocats pratiquant le conseil n’ont pas toujours les compétences dont les PME ont besoin hors le contentieux. Le coût de cette externalisation est élevé. Les fiduciaires dispensent davantage de services en ligne avec le day to day business des PME mais la qualité n’est pas toujours de mise non plus et le coût élevé lorsque la qualité est donnée. Pourtant, historiquement, même si c’est moins le cas aujourd’hui qu’il y a vingt ou trente ans, le nombre d’avocats de formation était élevé dans les directions et les conseils des banques et des grandes entreprises industrielles. Ce n’est à l’inverse que rarement le cas dans les PME, même importantes. Faut-il donc des juristes ayant une double licence (je devrais dire bachelor/master) avec les sciences économiques ? Un MBA ? Encore autre chose ?
Trouver le bon juriste pour l’entreprise en reste donc une. Aux Etats-Unis, Duke et University of Colorado School of Law tentent peut-être d’y répondre en lançant un LLM « entrepreneurial » (et lire l’article de l’excellent Malcolm Gladwell en lien sur la page). Cela sur la base du constat que nombre d’étudiants veulent étudier le droit mais non pour aller pratiquer le Barreau mais assister les entrepreneurs dans un monde toujours plus complexe juridiquement. Soit plus près du core business que le juriste ou l’avocat. Point commun dans la réflexion de ces deux universités : un bassin de start-ups et de PME high-tech comme … l’arc lémanique et la Suisse dans une large mesure. A Genève, tendance un peu inverse et recentrée sur notre monoculture finance/services, mais qui est précisément un fleuron à choyer en ces temps de crise économique et du secret bancaire. L’Uni lance deux nouveaux LLM en Banking & Finance et Tax. Sûrement nécessaires. La formation fiscale/finance d’entreprise peut être utile aux PME. Elle n’en constitue cependant qu’une partie du spectre des prestations juridiques dont elles ont besoin. Intéressant et à suivre donc.