
L’ineptie de la participation des banques suisses au programme américain – et si Raoul Weil était acquitté ?
Délirons un peu – cela fait du bien – et retour en arrière. UBS a payé $ 780 millions en 2009 pour obtenir un Deferred Prosecution Agreement. Une des bases fondamentales de cette capitulation était qu’UBS avait déployé une activité illicite sur sol américain, ayant aidé des contribuables américains à frauder leur fisc. Cet aspect juridictionnel était essentiel. Depuis, Wegelin a fait pire et même pis-que-pendre, est allé à Canossa – mais s’ils avaient su qu’ils ne paieraient « que » 60 millions, soit 5% de la masse admise de clients américains de 1,2 milliards, ils n’auraient probablement pas vendu leur banque en catastrophe. Et depuis, CS a payé 2,8 milliards dans le cadre d’un guilty plea pour les mêmes raisons. Les autres banques, en bloc ou isolément, ont pour l’essentiel surréagi de manière absurde. Elles ont d’abord demandé au gouvernement suisse de les défendre en bloc. Elles ont placé ainsi sur le terrain politique et diplomatique un sujet qui ne relevait que du droit et de leur situation individuelle. Après que cela n’eut marché, elles ont souscrit au « programme » mis en place par le DoJ américain pour « régler » le passé. Tellement obnubilées par la peur irraisonnée des américains, et par l’idée de trouver à tout prix une solution consensuelle et institutionnelle « à la Suisse » garantissant l’impunité pénale, elles se sont jetées sur ce programme sans réfléchir et mal conseillées. Or accepter de participer à ce programme est une ineptie, et telle qu’il n’y a guère que des banquiers suisses pour l’avoir accepté, non sans continuer de bringuer (bien à tort) contre Mme Widmer-Schlumpf et les « méchants » américains.
Dans ce cadre, les banques participantes ont accepté de donner les noms des employés et d’autres données de manière illicite et moralement injustifiable. Elles paieront, en coûts de mise en oeuvre et en pénalités moyennes sur la masse de clients américains, infiniment plus qu’UBS, Wegelin et même CS, sans avoir commis le dixième de leurs actes. Et pour certaines sans avoir même jamais commis le moindre acte qui aurait été ne serait-ce que nécessaire pour donner la juridiction américaine. Et alors que cet accord les prive de tous leurs droits et garanties de procédure et de procès équitable ! En d’autres termes, ceux qui ont fait moins pire sont moins bien traités que ceux qui ont fait pire. Et les voilà à se plaindre qu’ayant abandonné l’essentiel de leurs droits, les autorités américaines formulent de nouvelles demandes relativement intrusives. Autant dire que nombre d’avocats aux Etats-Unis sont incrédules sinon hilares, pensant comme ce blog que ces fins banquiers auraient mieux fait d’attendre de voir si et comment les autorités américaines leur réclamaient quoi que ce soit, puis de se défendre et de négocier, en fonction de turpitudes bien moindres sinon inexistantes. Si Raoul Weil est acquitté, cela sera donc assez drôle – eu égard à cette participation mal inspirée au programme. Le sera-t-il ? Devant un jury tout est possible – mais précisément l’accusation devra-t-elle établir beyond reasonable doubt qu’il, lui, a commis des actes illicites aux Etats-Unis, qu’il savait, et que cela allait au-delà de la simple détention de comptes non-déclarés non-illicite à l’époque de l’accord QI, sa thèse. A suivre avec grand intérêt.