
L’innomable livraison de données aux Etats-Unis par les banques suisses – et se défendre par la voie pénale ?
La livraison de données d’employés aux autorités américaines a fait l’objet de moult discussions et commentaires – mais c’est maintenant que le problème devient concret puisqu’ils ont reçu cette indication de leur employeur. Tout a été dit, la nécessité réelle ou supposée de participer et donner ces noms, de ne pas s’exposer à des sanctions plus graves, de ne pas se couper du marché américain ou des transactions en dollars, la bonne ou inévitable solution que cela représente. Toujours est-il que ce procédé est innomable, honteux, et son habillage juridique tout sauf convaincant. Certains employés se retrouvent donc à donner les noms d’autres, leurs collègues, à l’ogre. Parce que c’est leur devoir, parce que c’est la décision prise par la banque, leur employeur, la personne morale, par ses organes dirigeants. Toutes proportions gardées, cela rappelle de tristes précédents – parce que le mécanisme est le même. L’employé a le droit, selon le site de l’honorable ASEB et parfois les circulaires des banques, de s’opposer et de demander des mesures provisionnelles fondées sur la protection des données. La belle affaire : comment ensuite faire valider la mesure au fond ? Parce que cela viole la LPD ? Mais alors cela viole la LPD pour tous, pas uniquement pour les quelques clampins qui prendront la peine et les moyens financiers de demander ces mesures. Et que peut décider le juge du fond – puisque l’accord ne comporte pas de règle générale et abstraite qui permette une subsomption et son examen par un juge, n’ayant au surplus aucune force de loi ? Et pourquoi donner ces noms – si la vaste majorité ne risque ni d’être mise en cause ni d’être citée comme témoin ? Un seul remède – de cheval : déposer plainte pénale contre les collègues.
Contre tous les collègues et juristes préparant ces « leaver lists » infâmes, y concourant d’une quelconque manière constituant une participation pénale, soit comme auteur, co-auteur ou complice. Qu’ils soient mis en cause personnellement pour des actes qui constituent des infractions. Le Conseil fédéral a donné l’accord de l’art. 271 CP ? Fort bien, discutable politiquement, mais il n’y a pas que cette disposition. Une violation de la LPD entraîne l’application de ses dispositions pénales sans égard à avoir demandé des mesures provisionnelles ou actionné ses voies civiles. Il y a l’art. 273 CP – pour lequel le Conseil fédéral ne peut pas donner d’autorisation. L’art. 162 et l’art 181. Lorsque des données de mandataires du client sont en cause, il y a l’art. 47 LB. Bien malin celui qui garantira à un employé de banque menacé par une telle plainte pénale qu’il ne risque rien. Et les employés concourant à la confection de ces « leaver lists » doivent-ils prendre le risque de commettre une infraction pénale parce que la banque le leur demande ? Au pénal chaque auteur est punissable. La volonté scélérate n’est pas diluée et anonymisée dans la volonté diffuse de la personne morale – comme dans celle de l’Etat totalitaire. Les autorités de poursuite pénale sont indépendantes. Qu’elles disent ce qu’elles en pensent. Ou que ces employés se rebellent, refusent de concourir à ce commerce. Les mille justifications de cet accord pourront être répétées cent fois : cette transmission est injuste, contraire au droit, et in fine honteuse. C’était aux personnes morales d’assumer sans donner les lampistes, aux dirigeants et anciens dirigeants d’assumer, ce qu’ils n’ont pas fait. Honte à tous ceux qui les couvriront en envoyant ces « leaver lists ».