
Madoff – Update : Il pleut des accords, la bonne affaire de Santander il y a quatre ans, facilitateurs & cie et quelques autres choses
Pas mal de choses dans Madoff ces temps – même si ce qui sera le plus déterminant pour le dividende, l’étendue du clawback que peut récupérer Picard des rédempteurs et savoir s’il peut agir en dommages intérêts ordinaires contre des prestataires de services, n’est pas encore jugé de manière définitive par la justice américaine. Ainsi dans le désordre, et un post un peu plus long que d’habitude, il a plu des accords récemment dans des procédures parallèles. Un feeder Ivy Asset Management appartenant à la Bank of New York Mellon a transigé des prétentions directes soulevées par des investisseurs pour $ 210 millions – lesquels récupéreront ainsi quasiment leur mise. Reproches et rengaine habituels : ce feeder a passé outre des red flags avérés pour continuer à toucher ses fees élevées. Un point intéressant et plus rarement directement évoqué : celui du conflit d’intérêts entre le feeder et ses clients dans le choix de faire gérer par Madoff. Dans Fairfield, ses animateurs/fondateurs ont eux aussi passé un accord avec les investisseurs dans ces fonds pour $ 80 millions. Air connu également : ils ont violé tous leurs devoirs de diligence et fait de fausses représentations pour les investisseurs, aucune reconnaissance de responsabilité, ils ont aussi perdu de leur propre argent et Madoff a roulé la SEC également pour les défendeurs – mais lesquels settlent tout de même ce qui est plus parlant que l’enrobage sémantique habituel de l’accord. Et in fine toujours les mêmes notions : faute, négligence et violation de devoirs au civil, intention, négligence et dol éventuel au pénal.
A Dublin, HSBC en tant que dépositaire et administrateur du feeder Thema a transigé avec le premier investisseur arrivant au procès dans le cas d’un fonds UCITS et invoquant le droit d’action direct que lui confère cette norme européenne. Une action lean and clean contre un seul des prestataires de services, le plus instrumental dans la défaillance à vérifier et détenir les actifs du fonds, soit sans aucun autre défendeur. Et la volonté manifeste de HSBC au travers de cet accord d’éviter le déballage de ses défaillances pour des services hautement rémunérés. Tout cela pour dire que quatre ans après la découverte de la fraude, les settlements s’accélèrent – et à juste titre pour les prétentions qui ne sont pas suspendues par la problématique des clawbacks.
Les settlements comportent naturellement un pricing économique en lien avec les risques et les chances du procès et ce qu’anticipe le marché secondaire au moment donné. Il est intéressant de revenir sur l’accord entre Santander et ses clients (privés) du feeder Optimal de 2009 – et de le comparer aux accords qui se concluent actuellement, soit après quatre ans. Probablement très rapidement consciente sur la base d’éléments internes que des défaillances causales seraient exposées en cas de procès, Santander a fait une offre d’indemnisation acceptée par une presque totalité partie de ses clients privés. En échange de leurs parts dans ce feeder, les clients recevaient une obligation perpétuelle non-négociable d’un coupon de 2% valant dans les eaux de 20% de son nominal. Faite sur leurs apports nets dans le fonds, estimés de l’ordre de 70% de la NAV au 12 décembre 2008, cette indemnisation signifiait donc que Santander a payé environ 15% de son exposition sur les clients privés ayant accepté l’offre, soit sur environ $ 2,3 milliards – et ayant par ailleurs provisionné $ 600 millions au quatrième trimestre 2008. Ayant également eu le flair de régler son clawback avec Picard rapidement, Santander disposera donc du dividende sur ces parts, lequel sera infiniment supérieur au coût de son indemnisation des clients privés de son feeder. Si par hypothèse Santander touche dans la faillite de BMIS un dividende (conservateur) de 80% de sa créance admise s’agissant des clients privés, créance de l’ordre de 50% de $ 2,3 milliards, Santander fera le bénéfice supplémentaire considérable de $ 570 millions sur le dos de ses clients lésés par son feeder Optimal ! Ou peut aujourd’hui céder sa créance sur le marché secondaire avec un discount mais un bénéfice en centaines de millions. Moralité ? A chacun de la tirer.
S’agissant de l’établissement de responsabilités civiles et/ou pénales, même si cela dépend des circonstances de chaque cas, intéressante est l’arrestation de l’animateur d’un fonds ThinkStrategy Capital Management ayant investi dans le défunt Bayou, un précédent Ponzi ayant largement posé certains jalons juridiques applicables dans Madoff. Mêmes reproches – fausses représentations, absence de due diligence, etc. – d’une intensité suffisante visiblement pour valoir à ce M. Kapur des charges pénales dans une situation très similaire à nombre de celles rencontrées de prestataires tiers dans Madoff.
Enfin, au nombre immense des procédures que génère l’affaire Madoff, les procès du trustee Picard contre les membres de sa famille par lesquels il leur réclame $ 255 millions soustraits in fine aux clients au fil des ans. La veuve de son fils Mark, lequel s’est suicidé, prétend à conserver notamment un loft à New-York et une maison à Nantucket – au titre de son régime matrimonial. Il semblerait que le trustee Picard ait là manqué un délai pour agir. S’agissant de la famille et des employés de BMIS, le frère de Madoff, Peter, avait plaidé coupable d’infractions accessoires en juin. Un neuvième guilty plea vient de s’y ajouter, celui d’un M. Lipkin – pour faux et conspiracy to commit securities fraud. Ce qui mène à un constat intéressant : la majorité de ces neuf personnes acceptant des charges pénales n’avaient pas connaissance de la fraude de Madoff – et la justice n’est pas arrivée à cette conclusion en quatre ans d’enquête. Mais elles ont commis des infractions connexes nécessaires à sa perpétration. Ce qui démontre une fois de plus que les auteurs de crimes économiques ont besoin de facilitateurs commettant de telles infractions ou manquement connexes – au rang desquels pour certains d’entre eux les apporteurs, les feeder funds et les banques impliquées.