A grands renforts de moyens, soit y compris au Téléjournal de la TSR ! et en rubrique [1], la sortie de Millénium. Film hollywoodien à gros budget que les médias mainstream se doivent de saluer et de faire le jeu puisque c’est un film hollywoodien à gros budget – en relation avec le fait que la trilogie est un phénomène de société avec ses 63 millions de livres vendus. C’est ainsi que fonctionnent les médias mainstream. Bêtement, prévisiblement, par stéréotypes et référencements (vous verrez que dans dix-huit mois il sera proposé sur la TSR…). Et Darius d’annoncer de manière révérencieuse que Millénium « sort au cinéma ». Or Millénium est déjà sorti au cinéma avec l’excellente réalisation de Niels Arden Oplev en 2009. Ne vous trompez donc pas de Millénium. La version hollywoodienne possède tous les défauts habituels d’Hollywood là où la version de Niels Arden Oplev était d’un réalisme et d’une fidélité stupéfiants. A Hollywood une star, Daniel Craig, dont la bobine flingue déjà le personnage, est incompatible avec lui. Et un overdoing it permanent qui en élimine tout réalisme. Cette glorification constante et manichéenne du bien et du mal, des bons comme des méchants, par les postures, le jeu, la mise en scène, la photographie – et les effets visuels et sonores qui déracinent tout polar tourné à Hollywood de toute réalité et de son œuvre d’origine. Et c’est là que le film de Niels Arden Oplev faisait au contraire mouche. Une photographie simple, réaliste et de qualité, des acteurs normaux jouant des personnages normaux et réalistes, des décors normaux, pas d’effets – faisant du coup éclater fidèlement la force incroyable de l’histoire et le personnage lui atypique et intense – mais sombre – de Lisbeth Salander. Mais que cela a-t-il de juridique ?
Le réalisme précisément de la version de Niels Arden Oplev quant à l’histoire, entremêlement de crimes violents, de piratages informatiques, de considérations de droit de la presse et à l’information, ou liées à la sphère et à la vie privée, de dérives sexuelles et financières de notables, de secrets de famille et de connivences, prévarications et corruptions dans l’Etat, la police, la société. Et qui sont réalistes, qui existent mais avec leur côté sombre, triste, dur, méchant – que Hollywood enjolive ou dénature constamment. Et cette réalité triviale se prolongeant hors des livres et de l’écran par le passé militant de Stieg Larsson [2] et les menaces qu’il subit lui-même, le litige sur ses droits d’auteur entre sa famille et sa compagne de trente-deux années vu son décès subit. Un vrai thriller juridique en quelque sorte, ou dont toutes les scènes ou presque parlent au juriste sur des injustices, imperfections, rebondissements et achievements de la vie. Millénium est un chef d’œuvre – mais ne vous trompez pas de Millénium. Evitez Hollywood à tout prix et regardez le bon – et impérativement en V.O [3].!