- Revolawtion - https://www.revolawtion.ch -

Ordre des Avocats de Genève : Encore deux ans de perdus – toujours en route vers le futur à reculons

Allez, on en rajoute une dernière couche, il n’y a pas de raison. Ce n’est pas la critique qui est problématique mais bien les faits qui lui donnent lieu. Que retiendrons-nous donc de ce Bâtonnat ? La réponse est claire et abyssale : rien. Strictement rien. J’ai posé la question inopinément à quelques confrères croisés at random ces dernières semaines : « Que l’OdA vous a-t-il apporté ces deux ans – pour les 925.- de cotisation notamment ? ». La réponse fut invariable : d’abord un silence puis « …heu, je ne sais pas. ». Affrontons la réalité : rien. Rien sur la pratique en SA, aucune consultation des membres sur rien, aucune communication aux membres sur de vrais sujets, sur le secret professionnel des juristes d’entreprise, sur la SA, sur une éventuelle participation à des travaux de portée nationale ou internationale. Rien. La Lettre du Conseil est tombée à bisannuelle et son contenu est du coup en retard sur ce qu’elle raconte, en fait indigent. Le site Internet de l’Ordre est complètement figé et n’est en dépit de réitérées promesses toujours pas utilisé comme vecteur moderne de communication. Il n’y a notamment pas de news sur des sujets utiles, concrets, actuels ni sur ce que fait l’Ordre. Que retenir donc ? Malheureusement une campagne ratée sur l’abolition du jury et c’est à peu près tout (sauf pour ceux que le rabais de flotte chez Smart et Mercedes a intéressés). La réforme du stage va entrer en vigueur mais le projet est ficelé dans sa définition actuelle depuis 2004, démontrant au contraire qu’il aura fallu cinq ans pour le faire aboutir au plan politique et concret. La formation continue reste un succès mais elle roule depuis plusieurs années. Y a-t-il eu pour le reste des progrès dans les conditions d’exercice de la profession à Genève, avec le Palais, au plan pratique ? Nada – et même le contraire avec la poursuite d’une perte d’influence de l’Ordre dont son écartement des discussions relatives aux nouveaux locaux judiciaires est la dernière illustration. L’Ordre a été invisible et acratopège dans la Cité depuis plusieurs années et hélas cela se paie. Et tous les beaux exercices d’auto-congratulation ne changeront rien à cette réalité.

La situation relevée il y a deux ans [1] perdure donc allègrement. L’Ordre ne fait que régler les affaires courantes et les accrocs disciplinaires, assez convenablement, mais sans aucune vision ni activité prospective. Entravé en cela par sa structure féodale et dépassée. Et lorsqu’il fait des choses, c’est en secret et sans les communiquer (deux exemples parfaits : le rapport du Bâtonnier dernier § p. 2 – l’Ordre a apparemment préavisé sur des projets de loi mais personne ne l’a su ni n’a reçu aucune information sur ce qu’il a dit – au nom pourtant de ses membres; idem p. 8 – la Codam semble continuer à se réunir régulièrement mais sans que l’on ne sache jamais ce qu’il s’y dit et sans qu’il n’en ressorte jamais aucun résultat concret, utile à l’exercice de l’activité judiciaire et communiqué aux membres). Le conseil comporte et a toujours comporté des personnes de qualité – mais lesquelles ne sont pas franchement progressistes sur les plans où le bât blesse. Son fonctionnement désuet empêche toute avancée et toute utilisation efficace, transparente et pro-active des ressources et du temps consacré. Il empêche une communication moderne et en temps réel, à ses membres et envers l’extérieur, sur ce que fait le cas échéant l’Ordre. L’Ordre n’est ainsi qu’au mieux réactif, jamais pro-actif, et n’a aucun plan véritable dans la durée. Et ce Bâtonnat n’a pas failli à cette tradition.

L’AG du 26 mars se déroulera donc selon le même rite quasi-liturgique que les précédentes. Le Bâtonnier sortant lira des extraits de son rapport tapé en Times 11 dont un membre sur dix aura survolé la version papier. Ledit rapport sera un copié-collé des dix précédents. Le Bâtonnier remerciera et flattera des foules de gens dans une dialectique affinée et très traditionnelle d’autosatisfaction et d’auto-congratulation, dira son émotion d’avoir vécu quelque chose de formidable et quel privilège ce fut. Et à quel point ce fut lourd et épuisant. Tout ou presque sera représenté comme beau, formidable, généreux, privilégié, empreint de fierté, comme dans un discours de ministre africain ou un rapport d’agence de presse d’un pays communiste. Un vieux Bâtonnier se lèvera sans même plus feindre que c’est improvisé, dira des choses gentilles et banales sur le Bâtonnier, qu’il n’aura apprises que par ouï-dire, et qui seront à peu de mots près également les mêmes que les dix dernières fois. Et les avocats ayant eu deux heures à tuer un vendredi après-midi pour venir à ce bel exercice papoteront avec les copains et éliront le suivant sur la base d’une campagne se jouant désormais sur vin blanc et petits-fours. La question de fond demeurera lancinante. Mais si les membres en sont satisfaits, après tout, comme tout corps social constitué, une association à le fonctionnement, les organes et les perspectives qu’elle veut bien se donner. Tout le monde retournera ensuite à ses petites affaires et l’Ordre dans l’obscurité jusqu’à l’année prochaine. Bis repetita placent.