L’horripilante et déplacée formule « …il apparaît que les parties ont eu suffisamment l’occasion de s’exprimer. » – et de l’art du copier-coller judiciaire dans la haine de la réplique

Posté le 18 mars, 2014 dans justice

Chambre 3

TF

Cette formule selon laquelle la juridiction d’appel s’estime « suffisamment renseignée » lorsqu’elle transmet une réponse ou des observations est horripilante, illégitime et sans portée juridique. Elle n’est pas prévue par les lois de procédure. Ensuite, qui s’estime suffisamment renseigné ? Le juge rapporteur ? Un greffier ? Comme c’est une formule standard dans le traitement de texte, il n’y a aucune assurance qu’il y ait eu une réelle évaluation de ce point par le ou les magistrats en charge – et qui a la compétence d’exprimer un « sentiment » qui n’est pas prévu par la loi ? Mais surtout, comment une autorité peut-elle s’estimer suffisamment renseignée – dans l’ignorance de ce que la réponse contient qui soit susceptible d’entraîner un exercice matériel légitime du droit à la réplique ? Le raisonnement est ici intellectuellement déficient : une autorité ne peut par définition s’estimer seule suffisamment renseignée avant, précisément, l’éventuelle réplique. Et exercer le droit à la réplique est de la seule appréciation de la partie et sert, précisément, à cela. Que traduit donc cette formule creuse et in fine judiciairement dolosive – qu’ici la Chambre pénale de recours de Genève (premier extrait) a estimé opportun de simplement recopier d’une lettre-type similaire du Tribunal fédéral (deuxième extrait) ?

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Breaking News : La Cour européenne des droits de l’homme supprime la prescription civile du droit suisse !

Posté le 13 mars, 2014 dans divers, droit / law

Well, pas si vite – mais tout de même. Dans cette affaire Howald Moor et autres ayant trait à un décès résultant de l’exposition à l’amiante, la justice suisse avait tranché que la prescription était atteinte, et donc opposable. La Cour vient de dire que, s’agissant d’un cas dans lequel la connaissance du fait dommageable survient après l’expiration du délai de prescription, dont le point de départ était le fait dommageable lui-même, reconnaître la prescription constitue une atteinte au droit d’accès au juge de l’article 6. Quelles seront donc les conséquences de cet arrêt, lequel supprime ici entièrement les effets de la prescription légale civile ordinaire ? La Cour ne s’embarrasse pas au passage des distinctions plus ou moins matérielles ou jésuitiques entre la prescription et la péremption : c’est le droit d’accès au juge qui doit être garanti et il ne l’est pas si les prétentions sont prescrites ou périmées avant d’en avoir connaissance. La prescription part d’un principe juste dans toutes les matières du droit : pour des raisons de sécurité juridique et de juste exercice du droit d’action, une prétention ne peut ni ne doit plus être instruite correctement, en termes de preuve notamment, après un long écoulement du temps. Un justiciable ne doit être indéfiniment exposé à un risque juridique, il doit pouvoir tourner les pages, que la vie continue. Or ici la Cour fait passer le droit d’accès au juge avant cette exigence de sécurité juridique – est-ce à dire donc qu’il n’est plus possible de se fier à la prescription du droit suisse ? … suite

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L’affaire Chevron Equateur – l’impasse (?) et l’échec institutionnel du jugement obtenu par fraude

Posté le 9 mars, 2014 dans actu / news

Une affaire fait régulièrement les unes juridiques aux Etats-Unis – opposant depuis 2003 des plaignants équatoriens à Chevron pour des pollutions causées sur leurs terres en Amazonie par l’ex-Texaco acquise en 2001. La justice équatorienne a en 2011 condamné Chevron à 18,2 milliards de dollars de dommages-intérêts, jugement ramené à 9,5 en appel. Depuis c’est la guerre pour exécuter ce jugement hors d’Equateur, Chevron n’y ayant plus guère d’actifs. En l’absence de traité de reconnaissance et d’exécution entre l’Equateur et les Etats-Unis, le faire exécuter aux Etats-Unis contre une société américaine est loin d’être simple – a fortiori s’il est argué de fraude. Aux Etats-Unis, la reconnaissance d’un jugement étranger hors d’un traité est du ressort du droit des Etats. En 2011, avant d’être condamnée en Equateur, et sachant qu’elle allait l’être, Chevron a pris les devants et ouvert action à New-York pour empêcher par avance les plaignants d’exécuter le jugement aux Etats-Unis. Un juge l’a suivie lui accordant en mars 2011 une interdiction d’exécution worldwide sauf l’Equateur. En septembre 2011, la Cour d’appel du 2ème Circuit a cassé ce jugement – considérant qu’un juge américain ne pouvait ordonner une telle interdiction d’exécution hors des Etats-Unis s’agissant d’un jugement étranger. Manifestement ce juge n’aime pas les plaignants et leur avocat américain, un certain Steven Donziger : il vient de rendre un nouveau jugement de 485 pages (!) – empêchant les plaignants de faire exécuter le jugement dans tous les Etats-Unis. … suite

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La folie Bitcoin. Ou même bombe atomique.

Posté le 3 mars, 2014 dans actu / news

Ci-dessus une photo de votre argent – et c’est fou comme les juristes ont mauvais esprit. Bitcoin. Reprenons. C’est vrai que votre créance de solde ordinaire contre votre banque ordinaire en monnaie lambda, aujourd’hui, surtout par télébanking, peut aussi ressembler davantage à cela qu’à des pièces, billets ou lingots. C’est vrai que dans les pays qui pensent résoudre leurs problèmes de fiscalité (sous l’alibi souvent de vouloir résoudre leurs problèmes de criminalité) en limitant le montant des transactions cash, la monnaie devient quasi-virtuelle et donc électronique. De fait le montant du numéraire est pour nombre de monnaies une part aujourd’hui congrue de la masse monétaire. C’est vrai qu’une monnaie même garantie par une banque centrale, initialement contre la faculté d’un Etat de lever l’impôt et sur un étalon-or, peut être dévaluée, s’effondrer, réagir à des facteurs extérieurs liés au marché des devises. Ou aux marchés tout court ou bourses et échanges de marchandises, à des facteurs politiques. C’est vrai que d’établir une valeur d’unité par rapport à un échange sécurisé entre deux porteurs en fonction d’une offre et d’une demande peut créer une unité de valeur véritable et négociable, en direct et donc hors le circuit des devises « ordinaires ». Peut-être même générateur d’un droit à valeur économique exécutable contre les contreparties. Et c’est vrai enfin que l’exercice est fascinant tant sur un plan économique que politique, juridique et informatique. Mais Bitcoin est pour autant une folie complète. … suite

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Pas de droit de la concurrence pour les troubles érectiles, pas d’Al Qaida et de Hezbollah aux Caraïbes, et faire un procès pour prouver qu’on est vivant – les quelques absurdités (juridiques) du dimanche soir

Posté le 23 février, 2014 dans divers

Bien sûr un jugement d’un tribunal doit se lire dans son entier, le droit possède des conditions formelles, techniques, un arrêt peut-être plus sensé que sa conclusion ou sa relation par la presse. Mais l’arrêt du Tribunal administratif fédéral du 3 décembre 2013 dans l’affaire Viagra/Levitra/Cialis n’a pas manqué de faire sourire – et pleurer quant à la réalisation du droit de la concurrence en Suisse, pays de haute tradition cartellaire. Ainsi la Comco n’a-t-elle pas assez examiné l’impact du « facteur honte » en sanctionnant Pfizer, Eli Lilly et Bayer dans la fixation des prix par recommandations de ces trois médicaments contre les troubles érectiles. Conclusion ainsi littérale et raccourcie : en droit suisse, le droit de la concurrence ne s’applique pas aux produits qu’il est honteux d’aller acheter. Des produits qu’il est « honteux » d’aller acheter, il y en a beaucoup… Et il est honteux que le TAF énonce qu’il s’agirait d’un « facteur honte » – alors que des publicités génériques passent à la télévision en montrant un couple de beaux (comme toujours à la télévision) sexagénaires invités à en parler à leur médecin – d’un dysfonctionnement érectile. Ni honteux ni n’en ayant l’air. Une maladie peut être honteuse dans le langage populaire. Dans un arrêt du TAF et celle-ci, c’est un vilain dérapage ainsi que pour le droit de la concurrence. … suite

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Sphère privée et surveillance : L’étonnante passivité du public et le contraste avec la préoccupation des activistes et des autorités

Posté le 13 février, 2014 dans divers

Ce blog a souvent relevé ce paradoxe. Le public s’offusque mollement et brièvement, partage l’indignation de principe face à des atteintes à la sphère privée, qu’il s’agisse de surveillance par des services secrets ou de police, de réseaux sociaux ou de compilation de données à des fins commerciales. Mais finalement s’en accommode et ne fait rien contre ni pour s’en préserver. Ce sont au contraire le législateur et les autorités de protection des données qui s’en soucient, fixent certaines limites pour protéger le public et la société – dans la relative indifférence de ceux-ci. De fait, tout le monde est d’accord pour se plaindre au Café du Commerce d’être traçable et susceptible d’être mis à nu par sa carte Coop (« Vous avez la carte Coop ? »), ses cartes de crédit, son dossier d’assurance maladie, Facebook, son natel, ses emails, la puce électronique de sa BMW, etc. etc. Personne ne s’abstrait pourtant de ce monde numérique mémorisé en n’ayant pas de natel, en payant cash et en envoyant des lettres en papier par la poste. Il est bien ainsi que les élus et les autorités dédiées à ces problématiques le fassent – et il y a une raison à cette passivité du public. Dans la majeure partie de notre vie moderne, cette numérisation et mémorisation de nos données nous sert : conserver et retrouver sur des supports pratiques un email, une facture, l’acte d’un médecin, un numéro de téléphone, la date d’un accident ou d’une fête, un paiement, un achat, etc. Et si d’aventure, dans un Etat de droit, la police a besoin d’élucider un délit, eh bien ces données sont alors utiles. Il n’y a donc rien de mal pour celui qui n’a rien fait de mal. … suite

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Elections africaines à l’OdA : Proposition de modification statutaire perpétuant délibérément le problème…

Posté le 7 février, 2014 dans avocats / advocacy

Ce blog avait dénoncé ce qui était bound to happen avec la dernière modification du système de vote à l’OdA, par lequel un avocat pouvait en représenter un (seul) autre par procuration en participant physiquement à l’AG : des proxy fights et des clans et Etudes se présentant avec des dizaines de procurations en vrac sans aucune assurance d’un vote conforme à la volonté du représenté, et même la violenta suspicio inverse de votes sans instructions et donc de détournements et/ou achats de voix à large échelle. Bel exemple pour la Cité de la part d’une profession censée éduquée en matière de démocratie et de due process. Le système ancien d’un vote par membre présent à l’AG, a priori légitime à l’époque des Landsgemeinde, avait montré ses limites : les présents représentaient une minorité, cette minorité était non-représentative, et le constat était clair et posé que les élections n’étaient donc pas représentatives et que c’était-là un problème associatif. Mais le remède aujourd’hui proposé est idiot et ne résoudra aucun des défauts de système. … suite

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Of lawyers and judges (even on TV) : Quelques nouvelles (marrantes) d’Amérique

Posté le 3 février, 2014 dans avocats / advocacy, justice

Il se passe toujours des choses dans le monde juridique américain. Du siège à la télé tout d’abord, une ancienne juge connue de New-York lance un nouveau show télé « Hot Bench » en ayant recruté une juge administrative de Brooklyn apparemment efficace puisqu’elle a été aider à résorber un retard judiciaire dans le Bronx en liquidant plus de 500 cas en six mois ! Haute en couleur et au langage populaire, Patricia DiMango est une juge illustrant ce que « hot bench » veut dire : des juges interrompant et posant sans cesse des questions aux parties et avocats. Ca vous fait rire ? La productrice n’en est pas à son coup d’essai et son show cartonne en lui faisant gagner 47 millions de dollars par an. Son « tribunal » tranche des cas réels sur base d’une clause d’arbitrage – and it does the trick dans un pays si friand de chose judiciaire. Hot Bench mettra en scène trois juges qui délibéreront en live – selon un modèle irlandais ayant plu à Judge Judy. Dans le Kansas ça rigole moins : le parlement est saisi d’un projet de loi visant à assigner des délais aux juges pour rendre leurs jugements, 120 jours en première instance et 180 en appel. Pas étonnant en démocratie qu’un Sénateur se fasse mousser avec un projet de réforme qui parle à toute la population – tant la justice est lente là-bas comme ici. En Californie, encore raté pour Stephen Glass – dont la Cour Suprême vient de refuser l’admission au Barreau bien qu’il ait réussi ses examens. … suite

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Le brouillard subjectif des menaces globales – et Dieu toujours loin en tête

Posté le 28 janvier, 2014 dans actu / news

Les menaces globales sont un brouillard brouillon et opportuniste : chacun y va de l’ennemi qui l’arrange – aussi réel soit-il. Ainsi pour les spécialistes des relations extérieures américaines le Pakistan, l’Afghanistan et le… Mexique sont-ils, étaient-ils les menaces du monde. Terrorisme et arme nucléaire pour le premier, terrorisme, narcotiques et équilibre régional pour le second, et narcotiques et crime organisé déstabilisant la démocratie pour le troisième. Mais la Corée du nord a dû remonter au classement. Certains Etats et régimes sont un problème par leur mauvaise influence régionale ou les souffrances qu’ils infligent à leur population, mais sans menacer directement la paix globale. Difficile de quantifier un risque – et quel risque ? Un terrorisme ponctuel frappe les esprits mais comment le hiérarchiser par rapport à une menace de conflit armé, de guerre civile, d’armes chimiques, et comment l’apprécier face à d’autres dommages sociaux ? La sécurité a ses lobbies – militaires – mais pas l’apanage de la menace. La famine est une défaite inacceptable et un risque de conflit. L’approvisionnement énergétique est également un tel risque – comme le réchauffement climatique qui bouleversera la production alimentaire, ruinera certains Etats et contraindra des populations au déplacement géographique. Les violations des droits fondamentaux sont aussi une menace globale car sans eux pas de liberté, pas de droit, pas de démocratie, pas de progrès intellectuel et surtout, pas de dignité. Mais en tête des menaces globales toujours la même hélas et la plus pernicieuse : Dieu. … suite

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Presse : Le rédacteur en chef de Closer assassiné ! et des amis pour sauver Le Temps ?

Posté le 21 janvier, 2014 dans actu / news

Bon ben un peu de presse aujourd’hui et Hollande avait dit qu’il serait un président normal. Il l’est définitivement selon les principes de la Vème République puisqu’il a une copine. Et si, Machiavel étant en demande dans la politique actuelle déstabilisée par la dictature du quotidien et de l’immédiateté médiatique, c’était une diversion pour faire oublier les réels problèmes et mesures drastiques et impopulaires à prendre ? On ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs, le dommage collatéral de Valérie n’est rien eu égard à l’enjeu de sa chute de popularité et des réels défis, et avoir une maîtresse (de plus) rend toujours sympathique parce que rassurant de normalité dans l’opinion. Et en plus elle a l’air sympa. Mais cette transgression de la doctrine Pompidou par la presse mènera tôt ou tard à l’assassinat du rédacteur en chef de Closer ou autre papier de toilette. Parce que c’est inhumain. Justifier ce qui n’est rien d’autre qu’une suppression de la sphère privée au motif qu’une personne est célèbre, est un politicien, que cela intéresse de fait le public et concerne donc les électeurs, et que la demande pour ces « infos » le démontre ou le valide, ne peut pas tenir. Cette absence de protection de la chambre à coucher, cette négation du dernier espace de liberté, de calme, d’intimité, de confidence, est une forme de torture qui en poussera certains à bout. Et une personne à bout peut aller jusqu’au suicide ou au crime lorsque l’Etat et la justice laissent porter atteinte à un intérêt aussi éminemment intime et émotionnel que la sphère personnelle qui est, in fine, un droit de l’homme.

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