Lorsque des politiques sont entendus à l’instruction, en France, c’est tout de suite la leçon de choses – puisque les PV sont dans la presse avant que l’encre soit sèche. Mais jamais bien sûr de la faute de la justice ou de la police, et aucune telle violation n’étant jamais ni instruite ni sanctionnée. Juste pour le rappel. Un politique, même avocat, même entendu dans une affaire pénale, reste un politique : langue de bois, déni de la réalité et persuadé de la séduction de sa seule parole et du rapport de force. En dépit des stars du barreau qui les assistent ou les conseillent. Morceaux choisis (dans L’Express). Sarkozy : « Pour moi, c’est un problème entre Jean-François Copé et son directeur de cabinet… ». Le « pour moi » est de trop et affaiblit l’affirmation. Soit c’est un fait, soit c’est une opinion – pas la même chose ni la même portée. « Aucun de mes proches, personne ne le dit, n’est concerné ». Le « personne ne le dit » se discute. N’a d’intérêt que si « tout le monde » peut confirmer. Copé : « Je sais que Nicolas Sarkozy a rapidement dit beaucoup de mal de Jérôme Lavrilleux et peut-être même de moi ». Le « je sais que » affaiblit. Une simple affirmation est plus forte. Le « peut-être même de moi » est équivoque et faible, et donc sans portée. Sarkozy : « Croyez-vous que je sois assez sot pour piquer le principal collaborateur de Jean-François Copé sans lui demander ? ». Aïe ! La justification d’un fait ou d’un dire en en appelant à la déduction ou à l’adhésion de l’enquêteur ou du juge sur un élément relevant du mobile est une formule inefficace sinon catastrophique. Il eut été si simple, direct et plus fort de dire, fait alors affirmé, « il était impossible de piquer le principal de collaborateur de Jean-François Copé sans lui demander ».
Il poursuit : « Mais comment peut-on dire que j’aurais appelé Lavrilleux dans le dos de Copé, sans le lui dire, alors que je ne le connais pas ? ». A nouveau le « mais comment peut-on dire que » affaiblit le fait. L’a-t-il appelé – ou non ? Qu’il le connaisse – ou non – ce qui n’empêche d’appeler. Et dans le dos de Copé – ou non ? Très mauvais. Copé : « Je crains que sa mémoire ne lui fasse défaut ». Stylé mais pas efficace. « D’ailleurs, je ne vois pas vraiment à quel titre j’aurais pu me permettre de le faire [se prononcer sur le choix des prestataires de campagne de Sarkozy]« . Même erreur par l’appel à l’adhésion bien moins fort que le fait – alors que celui qui s’exprime pense sa démonstration plus forte ! Sarkozy : « S’il n’était pas informé de l’action de son directeur de cabinet, comment moi je peux être au courant de cela ? ». L’était-il, fait, ou non ? La formule est défaillante.
Il est réducteur de faire cette explication de texte sur des bribes fuitées et sélectionnées, extraites de leur entier, par un journal. Mais parlant tout de même. Et arrogant de s’y livrer ? Etre entendu à l’instruction est un exercice propre. La dictée du PV est un processus lent source d’imprécisions et de crispations. On ne peut se battre sur chaque formulation rabotée ou pas entièrement précise. Celui qui s’exprime et son avocat se concentrent sur le contenu. Mais cette réthorique est importante, parfois même décisive lorsque les procès-verbaux sont appréciés dans leur lettre au procès x années plus tard ou lorsqu’un magistrat doit décider de la suite. Et l’avocat se sent très seul lorsque, invariablement, son client n’en fait qu’à sa tête, oublie les consignes de style, de fait et de concision, ou pire, politique, vit de son fantasme de toute puissance, conviction et méthode coué. Un politique n’apprendra jamais que le langage politique ne porte pas en procédure.