Punir est une passion contemporaine – titre du livre que vient de publier Didier Fassin chez Seuil. Il analyse la progression de la répression en France, le lien entre ses fondements moraux et juridiques, la déconnection entre les peines et les faits. Toute réflexion ou analyse de ce type est toujours bienvenue. Avant, la brutalité et le châtiment étaient arbitraires. Ou l’application de règles livrée à une large part d’arbitraire, au fait du prince et à une large marge d’erreur. Aujourd’hui, la force est cadrée. Mais la répression, l’exercice de la force de l’Etat, est un credo politique constant. Celui qui l’exprime est fort et défend les victimes, le bien commun. Et la peur, entretenue, fait de chacun une victime potentielle. Hors toute considération, pourtant essentielle, de prévalence. Celui qui la nuancerait est inversément faible et naif. Lors même que la criminalité baisse. Que l’efficacité préventive de la répression est souvent démentie. Et que son coût financier et social est élevé. Et, pour certains délits, sans commune mesure avec l’atteinte au bien individuel ou commun. La justice a drastiquement diminué son risque d’erreur, par la réalisation des droits de la défense, des droits fondamentaux, et les sciences et techniques. La définition des délits et des peines a été affinée. Le taux de criminalité n’a historiquement jamais été aussi bas. Le monde n’a historiquement jamais été aussi sûr. Mais paradoxalement la soif de punir prospère.
La réalité est que la cohésion sociale et l’intégration, qui comportent l’éducation et le respect, sont les principaux déterrents du crime. Et que les moyens dévolus à la réponse la plus immédiate, la plus facile, punir, la force, seraient mieux affectés autrement en amont comme en aval. Mais ce qui est plus complexe. Et pour certains, il est amoral et injuste de soutenir, et donc de payer pour soutenir, ceux qui ont fauté, ou le prévenir. Punir est donc une réponse primaire, intuitive, ancrée dans la peur et la revanche, validée par l’alibi du bien et du mal. C’est là que le pouvoir d’appréciation du juge est crucial, comme son ancrage dans le lien social. L’ancienne juge fédérale américaine Nancy Gertner, aujourd’hui professeure à Harvard, a dénoncé le cadre obligatoire des peines aux Etats-Unis, l’ayant amenée à prononcer 80% de condamnations injustes en matière de stupéfiants. Bonne nouvelle en Suisse : une étude montre que les citoyens, dont la justice est l’émanation, ne seraient pas plus sévères que celle-ci. Ce qui doit l’inciter à l’humanité et à la retenue – et non à l’inflation répressive comme en France. Dernière réflexion positive : Internet et les réseaux sociaux sont décriés comme une zone de non-droit, un vecteur de tous les crimes et délits, de leur incitation, bref, l’école du mal. La réalité est duale. Ces problèmes y existent, comme dans toute part de la société. Mais Internet et les réseaux sociaux sont davantage un formidable vecteur d’échange, de lien, d’information, de cohésion sociale, de promotion du bien, de respect de l’autre. Et de baisse de la criminalité.