
Quelques éléments d’analyse critique du fonctionnement de l’OdA et de son Conseil
Après quatre ans au Conseil de l’Ordre puis deux comme simple membre de l’Ordre, je trouve intéressant de procéder à une analyse critique du fonctionnement de l’OdA et de son Conseil. Il s’agit là d’un exercice qui n’est véritablement effectué, compte tenu probablement de l’habitude, du caractère quelque peu féodal de nos structures et de l’immobilisme et du confort consistant à poursuivre dans une ligne bien tracée et en n’imprimant d’éventuels et prudents changements qu’après de longues arguties.
Pourtant, le fonctionnement de l’OdA et de son Conseil est à de nombreux égards obsolète et inadapté à la place que doit tenir sur la place le lobby d’une corporation aussi forte en nombre, économiquement et par les valeurs fondamentales que la profession défend. Sa communication, de manière liée, est elle aussi en deçà de ce qu’elle devrait.
En quelques points, mes observations sont les suivantes :
1. Au plan de son organisation interne, l’efficacité du Conseil est entravée par plusieurs facteurs et leur combinaison. L’ordre du jour, l’organisation des séances et la gestion du temps interviennent selon un mode qui est dépassé. Comme la charge de travail des membres du Conseil et des commissions est en outre très inégale, il en résulte que le temps consacré aux affaire strictement courantes est trop important, et que des sujets généraux d’importance, notamment prospective, ne peuvent être traités adéquatement. L’efficacité du Conseil souffre ainsi de l’absence de définition et de fixation de missions et d’objectifs dans la durée. En d’autres termes, le Conseil « vole à vue » et subit le courant plutôt que ne prévoit. Il est dans une certaine mesure inévitable que chaque membre du Conseil ou des commissions de l’Ordre ne puisse pas contribuer également, compte tenu des situations personnelles et du fait que cette activité est déployée avant tout à titre bénévole. Mais du coup, certaines tâches importantes se retrouvent de manière récurrente soit négligées ou reportées, soit en mains inactives. L’Ordre est ainsi (trop systématiquement) en retard ou à côté de sujets d’importance prospective, cela alors même que les membres des commissions et du Conseil ont les connaissances et compétences pour traiter des situations qui sont importantes pour la profession. Du coup, l’absence de traitement de certains sujets empêche également l’Ordre de communiquer et d’informer ses membres utilement (cf. INFRA) et de faire valoir ses positions de manière précise et à temps.
Il y aurait ainsi lieu tout d’abord de mieux définir les tâches et de fixer véritablement et précisément des objectifs et des missions concrètes, selon un calendrier défini périodiquement. Ensuite, pour que les objectifs puissent être tenus, il est également nécessaire de modifier l’organisation du Conseil et des commissions pour les rendre plus efficaces. Des missions précises devraient pouvoir être données par le Conseil aux commissions, en concertation avec celles-ci, au Jeune Barreau ou à des avocats mandatés et rémunérés pour rapporter sur ou traiter un sujet donné dans un délai donné. Une telle fixation de missions précises au commissions n’a actuellement pas lieu et le travail des commissions n’est du coup que ponctuel, aléatoire et simplement rapporté et de manière non indicative une fois par an à l’occasion du rapport du Bâtonnier. Confier des missions à des avocats/rapporteurs ad hoc effectuant ce service sérieusement, selon un agenda et en respectant les délais, et contre rémunération, est possible, souhaitable et compatible avec les finances de l’Ordre. Le Jeune Barreau est également à même par ses forces vives d’apporter un soutien concret sur des sujets concrets – mais encore faut-il le lui demander.
2. Ce qui précède appelle également une redéfinition du rôle du Bâtonnier, des conseillers et du secrétariat. Nombres de sujets généraux ou de prospective, directement pertinents pour l’exercice de la profession et ses conditions cadres, sont peu ou mal traités pour les raisons qui précèdent mais également parce que le Bâtonnier passe une part excessive de son temps à régler des querelles, préaviser sur des sujets récurrents et expédier des affaires courantes. Il est utile que le Bâtonnier gère la conciliation disciplinaire et ils le font généralement très bien. Cela est évidemment utile pour la profession dans la mesure où cela évite qu’elle ne s’affiche, en tout cas par le biais de certains, souvent les mêmes, compliquée, querelleuse et susceptible. Toujours est-il que le Bâtonnier est par là concrètement détourné de tâches prospectives ou de représentation qui seraient beaucoup plus utiles à la profession et à sa visibilité. Chaque Bâtonnier depuis au moins quinze ans se plaint de cela – mais chaque nouveau Bâtonnier reproduit pourtant ce modèle en le prenant comme une pénitence incontournable. La création d’un poste de Secrétaire général est aujourd’hui nécessaire. Elle permettrait au Bâtonnier de recevoir un appui supérieur à celui qu’il reçoit des conseillers, par définition de milice. Cela permettrait également au Bâtonnier et au Conseil de régulièrement définir, piloter et traiter des missions d’études ou d’accomplissement de certaines tâches qui ne peuvent être assumées dans la situation actuelle. Cela permettrait également au Bâtonnier et au Conseil de mieux informer les membres et de mieux communiquer sur des sujets importants à la fois au plan interne et au plan externe.
3. En large partie pour les raisons qui précèdent, l’Ordre des avocats, en tant que lobby dans le sens positif et véritable du terme, c’est-à-dire de corporation professionnelle organisée disposant de représentants et défendant ses intérêts légitimes, souffre d’un défaut important de visibilité dans la cité. Ce défaut de visibilité est nuisible pour la défense des intérêts de la profession et son respect de manière générale. L’Ordre entretien certes des contacts avec d’autres barreaux, la FSA, et le Pouvoir Judiciaire, en un nombre limité d’occasions chaque année, mais cela est très insuffisant. Il est une réalité que l’Ordre n’est du coup pas spontanément abordé ou consulté par des organisations ou autorités sur des sujets sur lesquels il serait légitime qu’il le soit. Une corporation aussi forte en nombre et en importance économique devrait avoir des contacts permanents ou réguliers – à la fois protocolaires et portant sur des agendas précis – avec e.g. le Conseil d’Etat, la place financière, les associations à caractère économique, les ONG actives dans des domaines liés au droit et aux Droits de l’Homme, les parlementaires fédéraux genevois, l’Administration, l’Administration fiscale ou la Genève internationale. Il ne s’agit pas là uniquement de contacts protocolaires mais également matériels, sur des sujets de fond. A nouveau, le Bâtonnier en est largement détourné par la structure et l’organisation actuelles et les tâches chronophages et de moindre importance qu’il doit tout de même remplir.
4. La communication de l’Ordre, interne et externe, est du coup et similairement insuffisante. Au plan interne, les communications nécessaires et utiles que reçoivent les membres ordinaires de l’Ordre en lien avec l’exercice et les conditions cadres de la profession sont tombées à un niveau minimal et d’une utilité marginale. Il est pourtant nécessaire et légitime que les membres de l’Ordre soient informés sur les sujets qui ont trait à la profession et ses conditions cadres. Les membres de l’Ordre peuvent prendre leurs informations à d’autres sources, notamment la FSA et d’autres barreaux, mais certains sujets concernent plus spécifiquement Genève et notre Ordre. A nouveau, le Conseil et le Bâtonnier ne peuvent pas tout faire – mais la situation actuelle au plan de la communication interne et externe résulte tout de même en premier lieu de l’inefficacité de l’organisation actuelle. Une organisation efficace du Conseil, la préoccupation de communiquer et la détermination d’un agenda spécifique et traitement en temps réel des sujets nécessaires permettraient à l’Ordre de mieux servir ses membres par une communication interne et externe appropriée. La Lettre du Conseil ne remplit pas actuellement cet objectif en dépit d’une certaine utilité à la fois en raison de la baisse de fréquence de sa publication et du peu de sujets traités. Le nouveau site internet de l’OdA, qu’il a fallu un temps excessif pour réaliser, ne remplit pas non plus son rôle d’outil de communication puisque son contenu matériel, à l’exception de la mise en ligne des Lettres du Conseil, n’a pas varié depuis sa mise en ligne en mars 2007. Le site ne comporte en outre pas de « news » ou de communications courantes publiées et à jour. Le site, lequel se décrit « moderne, dynamique, complet et convivial », n’est donc d’aucune utilité informative en matière d’actualités – alors qu’il devrait être le principal outil en ce sens.
5. Au plan des prestations/finances, ce qu’apporte l’Ordre à ses membres, à l’exception des festivités, qui demeurent de qualité, est donc insuffisant en regard des montants des cotisations. L’Ordre est riche et devrait revoir l’affectation de ses ressources. En l’état des prestations de l’Ordre à ses membres, il y aurait lieu de diminuer les cotisations, probablement d’environ 15 %. Il y aurait lieu de remodeler le fond de secours dont le principe est obsolète et l’utilité marginale. L’idée d’une solidarité entre avocats par le fond de secours est certes belle et conforme à l’éthique de la profession. Le fond de secours date cependant d’une époque où quelques avocats avaient été malchanceux alors même qu’il n’existait pas d’assurances ni même de deuxième pilier. Aujourd’hui, dans un Barreau comptant près de mille avocats brevetés, il est difficile de définir des conditions précises dans lesquelles l’Ordre pourrait véritablement faire des allocations à fonds perdus à des membres ou anciens membres en difficulté. Il en résulte une immobilisation inopportune de ressources importantes. Il y a lieu de réduire le fond de secours de manière importante et de réaffecter les avoirs à un fonds de réserve dédié à des missions précises et définies de prospective, de défense des intérêts de la profession ou de l’Ordre en tant qu’association, et de communication, cas échéant de participer à la rémunération d’un Secrétaire général ou de chargés de missions.
6. Il existe enfin au niveau statutaire un certain nombre de situations désuètes qui doivent être modernisées ou revues. L’écueil le plus important est là aussi la disponibilité du Bâtonnier et des membres du Conseil et seule une plus grande efficacité opérationnelle que celle qui a entouré les dernières modifications statutaires permettrait d’y remédier. A ce titre, et de manière exemplative, la modification statutaire actuellement proposée de pouvoir confier une procuration de vote par membre à l’Assemblée générale est une demi-mesure. Elle ne résout ni n’aborde finalement le vrai problème de la désaffectation de l’Assemblée générale ordinaire en plein après-midi, sauf élections disputées, et de la rentrée solennelle. Cette proposition ne résout pas non plus le problème d’une vraie représentativité de l’électorat de l’Ordre, que le fait de confier une (seule) procuration à autrui ne consacre pas davantage de manière uniforme et équitable. Ces formats sont dépassés et doivent être revus.
7. Enfin, à titre particulier, les rapports entre les avocats pratiquant les tribunaux et ces derniers étant un aspect important de la profession, les membres ne sont pas informés des travaux de la Codam. Les contacts entre les représentants de l’Ordre et du Palais sont essentiels au plan social et convivial, notamment au travers de la rencontre annuelle entre le Conseil, le Comité du Jeune Barreau et les Présidents et Vice-Présidents de juridictions. La Codam a cependant un rôle plus concret. Tous les sujets évoqués ne sont pas d’importance générale et ne nécessitent pas de communication spécifique mais il existe en revanche des sujets récurrents et nouveaux relatifs à la pratique judiciaire qui préoccupent les membres. Ces sujets ne font pas l’objet d’agendas ni d’objectifs précis fixés au Pouvoir Judiciaire ou d’entente avec lui. Les membres n’en sont pas informés et il n’y a pas eu d’information spécifique quant à des décisions, explications ou avancements précis en lien avec des sujets donnés, dont certains sont pendants depuis longtemps. Les membres de l’Ordre n’ont donc aujourd’hui aucun retour quelconque sur l’efficacité de la Codam – alors que les sujets existent (e.g. la remise horodatée de plis judiciaires au Palais hors des heures d’ouverture, la numérotation mécanique et ordonnée des pièces en procédure pénale, la fourniture des dossiers d’instruction importants sur CD-ROM, etc.).
[…] situation relevée il y a deux ans perdure donc allègrement. L’Ordre ne fait que régler les affaires courantes et les accrocs […]