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Résoudre les problèmes de la prison de Champ-Dollon – l’exemple de la prison de San Pedro à La Paz ?

En matière de délinquance de rue le tandem Jornot-Maudet est parfaitement dans son rôle et en pleine harmonie. Le Procureur général a donné un tour de vis à la politique criminelle du Parquet, le Chef du Département fait avec, tous deux avec coordination, détermination et satisfaction – puisqu’il faisait partie de leur programme de débarrasser les rues et quartiers des quelques centaines de dealers et petits délinquants d’habitude et/ou en situation irrégulière qui empoisonnent la vie des genevois et affectent l’image de Genève. Le message est clair et affiché : ce n’est pas parce que la prison est pleine que les autorités vont cesser d’arrêter – et encore moins qu’elles ont hérité de ce problème de prédécesseurs inefficaces, imprévoyants ou laxistes par philosophie. Giuliani n’a pas fait différemment à New-York et New-York resplendit. Et la population en est visiblement enchantée. Les avocats et juges sont pour leur part également dans leur rôle lorsqu’ils dénoncent ou jugent des conditions de détention qui cessent d’être licites, et les gardiens de même lorsqu’ils dénoncent leurs conditions de travail et les risques en matière de sécurité. C’est l’équilibre des rôles et du débat politique et judiciaire dans un Etat de droit. Y a-t-il d’autres pistes pour résoudre le problème ? Laisser les détenus gérer eux-mêmes l’organisation de la prison y compris l’occupation des cellules ? Y autoriser le commerce et les rapports avec l’extérieur, et que les détenus en organisent des visites payantes ? C’est l’étonnant exemple de la prison de San Pedro à La Paz.

La prison de La Paz est en pleine ville. Trois mille détenus aujourd’hui dans un pâté de maisons ceinturé par un immense mur gris dont l’extérieur est agrémenté d’échoppes et la vie alentour étant celle d’un quartier normal. Les gardiens, lourdement armés, sont à l’extérieur. A l’intérieur les détenus sont en autarcie, autogérés, avec clans et hiérarchie. Les détenus peuvent recevoir leur famille librement et même habiter avec elle – dans la prison où se trouvent dès lors de nombreux enfants. Il y règne naturellement un fort trafic de stupéfiants – mais plus étonnant encore elle se visite de manière payante, la principale source de revenus pour les détenus étrangers et les détenus devant « payer » leur place ou leur cellule dans le cadre de la gestion interne de la prison. Il s’y trouve également de nombreux commerces travaillant au dedans comme avec l’extérieur – et cela générant revenus et couvrant les charges et besoins. Les guides de voyage décommandent fortement de tenter cette visite étonnante, naturellement dangereuse en tant que telle – en dépit des témoignages qui rapportent qu’elle serait assez sûre et même étonnamment amicale considérant les crimes commis par les prisonniers et dès lors que constituant une pratique cautionnée par les « chefs » de la prison. Bref une petite ville dans la ville – et les gardiens dehors. Plus de problèmes de gestion ni de discipline.

Les problèmes de la surpopulation de Champ Dollon prennent un sens un peu dérisoire sur les récits de San Pedro qui a fait l’objet de nombreux reportages de presse et de télévision (dont notamment celui-ci d’Arte [1]). Mais bien sûr la Suisse est un Etat de droit qui connaît des règles relevant des droits fondamentaux – et c’est très bien. Mais la Bolivie, si elle est encore un Etat en voie de développement, possède pour autant ses institutions, ses tribunaux, son droit, et est une république plus ancienne que la Suisse moderne. Quels enseignements et quelle morale en tirer ? Probablement aucun – sinon que c’est un art très suisse de considérer ses problèmes comme très importants alors qu’ils ne sont parfois que relatifs. Est-ce le signe d’une société aboutie ou qui perd au contraire ses repères ? Vaste débat – philosophique.