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Russie : A l’aube de son rigoureux hiver un printemps russe à la sortie ? La Place Rouge comme la Place Tahrir ?

Les élections législatives russes ont été l’occasion de rappeler au monde les graves problèmes de déficit démocratique et de gouvernance dont souffre la Russie. La presse internationale en a dûment – et librement – relayé les composantes politiques. Elles ont également ravivé certains vents d’opposition en leur redonnant une tribune, au plan interne mais largement aussi à l’étranger. Y a-t-il ainsi des correspondances à tirer avec les printemps arabes ? Elles sont totales et d’un parallélisme stupéfiant. Il y a comme dans ceux-ci un pouvoir autoritaire et sécuritaire dont la légitimité démocratique n’est pas réelle, mais qui est toléré, respectivement reconnu et soutenu, par l’Occident pour sa composante de stabilité interne et au plan international. Il y a l’apparence de légitimité démocratique mais visant à l’autocratie dans le long terme. Les élections ne sont pas libres et le pouvoir interfère avec la libre formation de la volonté démocratique en muselant l’opposition avec l’aide de la force publique, de son appareil sécuritaire, et par le contrôle des médias officiels. Le pouvoir se drape et se met en scène médiatiquement, dans cette légitimité en réalité usurpée, par des canaux officiels et/ou contrôlés. Comme corollaire, le pouvoir judiciaire, contre-pouvoir effectif dans un Etat de droit, est corrompu et aux ordres. Il sert les intérêts du pouvoir et de ceux qui paient, soit les puissants. Contre cet état de fait la soif de justice est importante – et s’exprime par le nombre record de recours (requêtes) formées devant la Cour européenne des Droits de l’Homme depuis que la Russie est membre de la Convention.

Se retrouve également dans la dialectique du pouvoir contre les mouvements d’opposition la théorie du complot étranger, avec appel au sentiment nationaliste qu’il prétend lui-même incarner. Comme en Libye et actuellement en Syrie. De bien vieilles recettes qui ne marchent plus tant elles sont à côté. Il se retrouve également une situation économique dégradée pour l’essentiel de la population, et cette situation étant imputable au pouvoir et à ses prébendes. En Russie un million de personnes s’accaparent la richesse et la productivité, par la corruption totale de l’entier du système, au détriment des cent quarante-deux autres. Et cette mauvaise gouvernance, corruption et déficit démocratique imposent la double-pénalité de priver en outre le pays des échanges et des investissements extérieurs, et de la prospérité qui en résulterait, du fait du défaut d’Etat de droit et de sécurité du droit. Les oligarques expatriés se déchirent pour leur part judiciairement devant les tribunaux des Etats de droit dans les pays où ils se sont délocalisés – sur des biens de production acquis à prix bradés et du fait du Prince et d’arrangements et protections politiques. Ce qui est un comble comme le fait que, généralement accueillis et domiciliés à forfait ou sous un régime spécial dans ces pays où ils ne résident que marginalement, ils n’y paient pas davantage les impôts qu’ils éludent en Russie et dont ils privent in fine l’Etat russe. Le risque de compliance est ainsi devenu tel et tellement simplement ingérable s’agissant des possédants russes qu’une banque aussi importante et outillée que l’UBS a fermé son Desk Private Banking Russie et que le Credit Suisse réduit aussi ses activités sur ce front (Bilan du 19 octobre).

Les conditions pour un printemps russe sont donc totalement similaires à celles qui prévalaient en Egypte, en Libye, en Syrie, en Tunisie sur des points qui sont simples mais toujours les ferments de base des révolutions : un déficit démocratique, une justice dépendante, une corruption endémique, la faim et le vol de la prospérité par la confiscation des richesses et revenus par une minorité protégée, un régime sécuritaire et autoritaire visant à sa pérennisation, et l’absence d’une réelle liberté d’expression. Certes la société civile russe est différente de la société civile tunisienne, libyenne ou égyptienne. Elles sont toutes différentes. Mais les sociétés civile de ces pays ont toutes fait naître ces révolutions par elles-même sur la base de ces ferments-là, tous liés au droit, aux institutions, à l’Etat de droit, à la soif de justice, d’égalité des chances et de partage de la propspérité. Certes la position ou l’intervention de la communauté internationale joue également son rôle. Mais la société civile russe est éduquée et possède la maturité politique nécessaire à la démocratie – la vraie. La Place Rouge a tout pour être également une Place Tahrir – et Poutine ne se distingue plus désormais des Assad, Ben Ali, Moubarak et autres.