SCANDALE VW ET CLASS ACTIONS

Posté le 8 novembre, 2015 dans actu / news

Alors il parait que six-cent plaintes pénales ont été déposées en Suisse dans le cadre du scandale VW. Très bien, tous ceux qui veulent montrer qu’ils sont outrés et veulent se battre le montrent, et on suivra avec intérêt ce que la justice pénale suisse en fera et comment – puisqu’elle a annoncé vouloir traiter ces plaintes collectivement. Il est rare mais pas inédit que des plaintes pénales multiples aient un même fondement de fait, ici que VW ait trompé l’acheteur. Mais chaque achat a ses circonstances, des garages différents, une discussion propre sur le modèle, le prix, essence ou diesel. Une formation de la volonté de l’acheteur chaque fois différente – mais ce fait constant : une tromperie générique sur des qualités techniques du véhicule. Cela apportera-t-il à chaque plaignant une réparation civile de son dommage ? C’est possible dans l’action pénale, ou en cas d’accord, mais la voie pénale sera-t-elle ici efficace – sachant que les actes fautifs ont été accomplis à l’étranger, que des poursuites pénales sont y également en cours et avec l’obstacle du ne bis in idem ? Cela relance en réalité une fois de plus la question des class actions pour réparer les dommages collectifs résultant d’un acte illicite. Or là le débat se brouille. L’économie fait front contre le principe d’une manière strictement capitalistique, et beaucoup d’arguments sont primaires : c’est une dérive américaine, ça n’enrichit que les avocats, les lésés n’en voient pas la couleur ou presque, etc. Et le droit actuel permet à chaque lésé d’agir – donc tout est bien et passez votre chemin. Evidemment, tout ceci est faux ou biaisé.

La manière de calculer le dommage par consommateur touché est critiquée. Mais cela se règle au plan judiciaire, par des analyses et expertises, et ne met pas en cause l’opportunité de la réparation collective. Condamner l’entreprise pour le dommage de consommateurs qui ne se plaignent pas est-il critiquable ? Cela est au coeur du débat : il peut sembler excessivement punitif qu’elle soit condamnée pour le dommage de ceux qui ne se plaignent pas, n’ont plus le produit, ont disparu ou s’en fichent. Peut-être. Mais cela apporte réparation à tous ceux qui voudraient se plaindre mais n’en ont pas les moyens, et a fortiori si chaque plainte individuelle porte sur un montant limité. L’indemnisation qui revient à chaque lésé n’est pas le seul enjeu. Les class actions jouent un rôle de police par le fait de créer un risque juridique et économique pour une entreprise qui trompe ses clients. Elles contribuent à les obliger à se comporter loyalement et à respecter leurs obligations – là où seul le consommateur trinquerait en toute impunité pour celles-ci. Est-ce un déterrent efficace ? Certainement – même s’il n’y a pas d’indice de calcul. Est-ce problématique que cela ouvre la porte à la chasse opportuniste des violations du droit permettant des class actions ? Une sorte d’effet vautour pervers ? Non s’il n’est pas socialement admissible que des entreprises capitalistes violent impunément les droits des consommateurs. Quant aux honoraires d’avocats mirobolants, ils sont contrôlés par le juge qui statue et les conditions de certification d’une class action sont strictes. Si le débat se rouvre, souvenez-vous que c’est avant tout une question capitalistique. Comme presque toujours.

 

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