
Secret bancaire et mobbing fiscal ad nauseam : l’Ambassadeur se bourre la gueule – mais ne tirons pas sur le pianiste
Ainsi l’un de nos meilleurs experts en fiscalité internationale, l’Ambassadeur de Suisse auprès de l’OCDE, a-t-il été pris dans une course poursuite avec la police à Paris en état d’ébriété – laquelle a dû lui tirer dans les pneus ! Piquant que cela ait eu lieu à Paris. Les raisons de ce dérapage peuvent être nombreuses – mais il est tentant de les mettre en lien avec le mobbing dont la Suisse est victime de la part de la France et de l’OCDE depuis des années, et l’illustration serait forte. L’OCDE est une drôle de bête avec un statut hybride, mais qui décide pourtant de nombre des évolutions en matière de police économique internationale. Des technocrates dont la légitimité institutionnelle est problématique même si leurs travaux font sens pour une large part. Dès lors que le GAFI est installé sur ses genoux, il ne faisait pas un pli que les normes anti-blanchiment instituées au prétexte de lutter contre le crime organisé finiraient par viser la fraude fiscale – ce qui a pris quinze ans. Aujourd’hui les discussions sur la fiscalité et l’accès à l’information font rage dans le monde OCDE et sont globales : comment attraper les recettes qui y échappent et harmoniser les statuts pour éviter la concurrence entre Etats. Ceux-ci sont schizophrènes et hypocrites – ils veulent les recettes de leurs assujettis tout en maintenant l’attrait de leur fiscalité pour ceux qui fuient celle des autres. In fine ne nous leurrons pas : là où la concurrence est érigée en dogme pour faire baisser les prix et favoriser le consommateur en matière d’économie privée, elle est décrétée « dommageable » entre Etats avec pour effet inéluctable un nivellement à la hausse de la fiscalité dans les Etats démocratiques, dont l’électoralisme empêche toute vraie baisse des prestations. Peu réjouissant et la Suisse, mobbée, perd ses nerfs comme l’Ambassadeur.
La barbe ! ainsi à la lecture de ces sujets quotidiens dans les médias. Le secret bancaire est mourant ? C’est pour autant et avant tout un problème franco-français et les français n’ont pas eu besoin d’être démarchés pour avoir un compte en Suisse. La proportion de contribuables ayant un compte non-déclaré à l’étranger est directement fonction de la confiance qu’ils placent dans leurs institutions, dans l’efficience de leurs dépenses publiques et de leur respect pour leur fiscalité. Aucun homme politique ou technocrate dans aucun de ces pays n’est toutefois capable de tirer cette conclusion pourtant simple – et qui les incrimine. C’est donc bien davantage qu’une simple question de morale individuelle. Restaurer la confiance dans l’Etat et la justesse de la fiscalité est plus efficace que les gesticulations et menaces actuelles. Idem pour celle de savoir si un monde sans secret bancaire est vraiment un monde sociétalement meilleur – débat qui n’a absolument pas lieu, qui a de nombreuses composantes morales, juridiques et politiques, et ce qui est loin d’être certain. La France voudrait encore placer la Suisse sur sa propre « liste noire » ? Cela n’a aucun sens dans l’économie globale des échanges et des intérêts entre les deux pays. De même pour la convention sur les successions qui est anormale, injuste et problématique pour des centaines de milliers de frontaliers – et électeurs.
Mais en Suisse, le psychodrame permanent, les errements, tergiversations et revirements des banquiers et de leurs associations faîtières, les gesticulations du parlement, et la navigation à vue du gouvernement, finissent par lasser. Les négociations des conventions fiscales passent par le débat politique. La position de la Suisse envers l’étranger dépend de considérations économiques, corporatistes et politiques. C’est un exercice difficile dès lors que l’Etat doit faire valoir les intérêts de secteurs de son économie – et parce qu’il s’inscrit dans le contexte plus vaste des autres relations et intérêts de la Suisse avec les Etats et organisations internationales en cause. Les banques susceptibles d’être mises en cause aux Etats-Unis, bien moins et pour de moindres sanctions qu’il n’y paraît, feraient en revanche mieux de négocier elles-mêmes si elles estiment courir le risque de l’être – plutôt qu’attendre une solution politique qui ne va pas de soi institutionnellement s’il s’agit de régler des poursuites contre acteurs du secteur privé. Et solution qui peut très bien ne pas se concrétiser politiquement pérennisant alors le problème. La Suisse ne perd pas ses atouts dans les discussions en cours même face à certaines formes de mobbing. Ses finances resteront plus saines que celles de la France même si la France se roule par terre. Elle ne doit pas en revanche perdre son sang-froid de l’intérieur – et réconforter ce pauvre Ambassadeur Flückiger.