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Secret bancaire, le futur CPC suisse, entraide civile et l’ATF 4A_399/2007 : Progrès ou regrets ?

Pas d’accord avec un article dans « Le Temps » du 6 mai sous la plume d’un de mes confrères lequel voit dans le futur Code de procédure civile suisse une attaque du secret bancaire – et le fait que le législateur fédéral aurait par là succombé au politiquement correct et profité de l’occasion pour l’affaiblir encore.

Dans le débat général (vaste et complexe) sur le secret bancaire, plus philosophique et de société, sa place dans le système juridique suisse et les considérations au plan international, il ne pourra être défendu dans le long terme pour ce qu’il est, soit la protection légitime d’une valeur fondamentale qu’est la sphère privée, que s’il n’est pas absolu mais assorti d’exceptions légitimes. Sur le point plus ciblé de savoir si la nouvelle procédure civile fédérale en est ainsi un affaissement supplémentaire et malvenu, la réponse est à mon sens négative.

Il n’est pas acceptable, dans un Etat de droit moderne, qu’un litige ne puisse être tranché par le juge civil sur la base de tous les éléments nécessaires parce qu’il manque des éléments bancaires dont une loi de procédure cantonale empêche encore la production (même si l’opinion de chacun variera naturellement selon de quel côté du litige il se trouve :)). Cela est une négation de la justice. Qu’il y ait des normes au plan fédéral qui remédient à ce défaut dans des cas particuliers, comme en matière de divorce, n’y change rien sur un plan général. Il était en sus anormal et obsolète que les règles sur la portée du secret bancaire en procédure civile changent tous les trente kilomètres au gré des procédures cantonales prévoyant des systèmes différents.

La réalité, c’est que dans le droit judiciaire suisse actuel, il y a trop de situations dans lesquelles des parties n’arrivent pas à apporter en justice des éléments détenus par des tiers et qui sont nécessaires et pertinents pour la solution du litige. A cet égard, le correctif de l’art. 186 LPC par exemple à Genève, n’est pas suffisamment utilisé ni d’ailleurs suffisamment efficace dans un système qui repose fondamentalement sur l’imposition du fardeau de la preuve au demandeur en application du CC. Il y a là un déficit d’efficacité de la justice civile suisse par rapport aux systèmes qui connaissent la faculté pour le juge d’imposer véritablement la production d’éléments de preuves pertinents à des parties ou à des tiers – y compris des banques.

Naturellement, c’est au juge qu’il appartient de décider si la preuve requise est utile et pertinente, plus précisément si l’intérêt au secret l’emporte sur la manifestation de la vérité – ce que prévoit le futur CPC suisse. Il n’y a rien de choquant à ce qu’un juge ordonne la production de renseignements, y compris bancaires, dans ces conditions. C’est l’inverse, soit faire obstruction à la justice, qui représentait un effet difficilement défendable du secret bancaire, ne trouvant pas vraiment de légitimité dans la protection de la sphère privée, et donc l’affaiblissant in fine.

La Suisse est signataire de la Convention de la Haye sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile. Dans un monde global, il était incohérent et difficilement compréhensible pour un juge civil étranger demandant l’entraide civile à la Suisse sur cette base que sa commission rogatoire soit honorée ou non s’agissant de preuves bancaires selon le canton concerné du fait du renvoi de la convention à la procédure cantonale.

A cet égard l’arrêt du Tribunal fédéral du 4 décembre 2007 4 A_399/2007 rendu à cinq juges. Le TF confirme une mesure d’obtention de preuves de la part d’une banque suisse accordée par la justice vaudoise dans le cadre d’une procédure de pre-trial discovery pendante aux Etats-Unis. Il n’y a rien de choquant à cela et le juge a fait son travail d’examiner si les conditions en étaient données selon la convention et ses réserves, à savoir qu’il ne s’agissait pas d’une fishing expedition et qu’il y avait donc bien un lien de connexité et d’utilité entre les documents requis et le litige pendant à l’étranger.

A noter également que la mesure a porté sur l’obtention de renseignements bancaires relatifs à un tiers qui n’est pas partie à la procédure américaine. Rien de choquant à cela non plus si ces renseignements sont utiles à la résolution d’un litige valablement pendant devant une juridiction civile compétente dans un Etat de droit. L’on se demande en revanche tout de même si un demandeur suisse aurait pu obtenir la même mesure dans une procédure pendante en Suisse – ce qui, dans la négative, serait évidemment paradoxal et difficilement justifiable. Le futur CPC représente donc sur ce point un progrès que sa jurisprudence d’application devra confirmer dans les faits.