
Secret professionnel des juristes d’entreprise : Mais que diable en pensent les avocats ???
Or donc, le délai de première consultation sur le projet de Loi fédérale sur les juristes d’entreprise (cf. ce blog du 25 avril 2009 et liens vers le projet) échoyait le 31 juillet. Cela renforce-t-il ou nuit-il au secret professionnel de l’avocat ? Qu’en pensent les avocats sur le principe ou dans les modalités de ce nouveau « secret », j’entends par là par leurs associations professionnelles ? La FER s’est déterminée et a publié sa détermination, négative (communiqué et détermination complète), de même qu’Economiesuisse, qui soutient le projet. Ne cherchez rien en revanche s’agissant de l’Ordre des Avocats genevois. Il n’y a rien sur son site et aucune communication quelconque aux membres n’est non plus intervenue. La FSA n’a pas davantage publié sa détermination (pourquoi donc ?) mais a dûment pris position. Sa détermination est accessible aux membres de la FSA.
Si elle ne livre pas de réflexion générale sur les motifs et les effets du projet, au-delà de son indication sibylline qu’elle en comprend les objectifs et est ouverte à une telle règlementation, la FSA formule des remarques précises et poussées sur sa définition et sur les distinctions qu’il ne fait pas suffisamment avec le secret de l’avocat. Il s’agit d’un droit de refus de témoigner lequel est donc beaucoup plus délimité que le secret de l’avocat, est volontaire sur déclaration, et ne doit donc ni reprendre le terme de secret professionnel ni se calquer sur les formulations de la LLCA. Il y a lieu d’éliminer toute ambiguïté quant au fait que le refus de témoigner protège l’entreprise – et non ses clients, ce qui n’est pas la vocation du projet. S’agissant d’un droit de refus de témoigner, il ne s’agit donc pas non plus d’un titre professionnel et il n’y a aucune qualification particulière par rapport à celui qui ne choisit pas de bénéficier de cette protection. Il n’y a pas davantage de titre à faire valoir envers les tiers – puisque ce droit n’a de portée qu’au plan interne et au bénéfice de l’entreprise employeur. La FSA estime enfin qu’une autorité unique au plan national serait plus opportune que des registres cantonaux.
Tout cela est juste et sensé. Mais quid de la question fondamentale de savoir s’il y a là un impact positif ou négatif, ou aucun impact, sur le secret professionnel de l’avocat ? Les motifs propres du projet sont convenablement exposés dans le Rapport explicatif. Y a-t-il là au surplus une banalisation, un affaiblissement ou une dilution du secret de l’avocat ? Probablement pas. Un renforcement de la protection d’une confidence, en ces temps de transparence quasi-dogmatique, bénéficie sûrement aux autres. Y a-t-il une concurrence avec des prestations de l’avocat couvertes par le secret ? Non s’agissant des tiers mais d’une certaine manière au plan interne. L’entreprise pourra obtenir la protection de conclusions juridiques émises en interne, qui ne pouvaient précédemment l’être, au contraire de si elles émanaient d’un avocat. Mais poser la question en termes de concurrence n’est pas légitime. La ratio du projet vise à protéger l’entreprise contre le fait de s’auto-incriminer par l’accessibilité des conclusions et travaux de son service juridique. Cela a un sens et est cohérent avec d’autres normes constitutionnelles de notre ordre juridique interne – mais… lesquelles sont également le fondement de la protection de la confidence faite à son avocat.
Ce n’est donc peut-être pas si simple et poussons un peu le raisonnement. Si le CEO ou un cadre rédige des notes qui incriminent l’entreprise, elles ne sont pas protégées. Si celles du juriste le sont, c’est qu’il dispense une prestation à caractère juridique, en lien avec l’application du droit à l’entreprise. Cette même prestation dispensée par l’avocat est protégée par son secret mais il est lui par essence indépendant. Son indépendance est l’une des composantes de la justification de son secret. Tout droit de refuser de témoigner constitue un préjudice pour l’administration de la justice. Le projet le justifie par le fait que cette protection accordée au plan interne tendra vers un meilleur respect du droit par l’entreprise. Hum. Quelle est finalement et dans ces conditions la raison pour laquelle la société accepterait qu’une entreprise ne puisse pas s’auto-incriminer par les travaux de son département juridique ? Parce que cela tendra à ce qu’elle respecte mieux le droit de manière générale ? Le doute s’est installé…
[…] protègent. La discussion sur le principe n’était pas inintéressante toutefois (cf. ce blog du 29 septembre 2009). Certaines des préoccupations que visaient le projet avaient un sens en lien avec le rôle que […]