Tapie/Crédit Lyonnais/Adidas : Mais elle est très bien cette sentence arbitrale !!! – et l’injuste et étonnante mansuétude générale envers le CL et ses dirigeants de l’époque

Posté le 6 août, 2008 dans finance / eco

Plusieurs aspects de l’affaire Tapie/Crédit Lyonnais/Adidas, qui vient de se conclure par une décision arbitrale fixant notamment le montant du dommage, sont intéressants et particuliers au-delà de la très large médiatisation de cette affaire et de ce dernier épisode d’un long processus. Les politiques disent n’importe quoi, l’on s’étrangle de l’indemnisation accordée – mais la sentence est remarquable et ne sont pas toujours les méchants qui l’on croit. Ainsi : 

– Fascinant tout d’abord de voir à quel point les médias et les politiques ont commenté la décision arbitrale en des termes tout simplement faux, factuellement et juridiquement, le tout assorti de suggestions ou de suspicions de combines, arrangements ou complots politiques. Sur ce terrain-là, François Bayrou et Ségolène Royal se sont particulièrement distingués. C’est vraiment une maladie dans ce pays de vouloir en récupérer chaque évènement un tant soit peu public à des fins politiciennes, souvent, comme en l’espèce, mal à propos. Il ne s’agit en effet que banalement d’une décision civile prise par une instance arbitrale, valant jugement, destinée à fixer un dommage civil – dans une affaire il est vrai complexe par ses nombreux chapitres. De deux choses l’une donc : soit ces politiques sont incultes ou mal briefés en matière juridique, soit ils expriment sciemment de telles suggestions pour en bénéficier dans l’opinion de ceux qui ne comprennent pas non plus la situation. Dans aucun de ces deux cas cela n’est bien reluisant.

– Bien loin des combines qu’y ont vu certains, le recours à l’arbitrage est dans cette affaire au contraire un bon exemple de son utilité et efficacité. La procédure arbitrale a regroupé en une instance plusieurs litiges connexes mais qui demeuraient pendants devant plusieurs instances civiles distinctes où ils s’enlisaient sans fin vu la complexité du contexte, les délais de traitement et les nombreux appels et renvois à la juridiction inférieure. Les arbitres ont pu appréhender l’ensemble d’une situation et amener ainsi et enfin à un épilogue définitif et exécutable. L’on peut toujours discuter du bien-fondé d’une décision de justice – mais il est ici admirable et au crédit de cette procédure arbitrale d’y être arrivé en six mois (janvier à juillet 2008). Quant à l’argument de certains politiques qu’il était « inconvenant » de soustraire le litige à la justice civile ordinaire dès lors qu’il concernait in fine l’argent du contribuable, et que cela constituait une « défiance » à son égard, cela n’a strictement aucune portée puisque l’arbitrage est un mode institutionnel de règlement des litiges. Cette sentence a donc non seulement le mérite d’exister mais bien plus.   

– Les turpitudes de Bernard Tapie sont acquises et son track record parle de lui-même donc pas besoin de s’y attarder. La semaine dernière encore, il démentait « fermement » dans la presse l’intention de s’installer en Suisse – sur la rumeur de l’éventuelle résurgence et intérêt politique qu’il susciterait envers Sarkozy – alors que tout le canton l’y a vu visiter des villas en personne ces derniers mois sans fausse barbe ni lunettes noires. Plus intéressant donc que les simagrées de Tapie est le peu de cas qui a été fait, tout au long de cette très longue procédure judiciaire (treize ans !), des actes illicites commis par le Crédit Lyonnais. Or le Crédit Lyonnais n’est pas un wheeler-dealer comme lui mais un institutionnel majeur. Il demeure pour moi incroyable que dans une banque majeure, avec Président nommé par l’Etat et force énarques, économistes et service juridique béton, l’on puisse prendre une décision au plus haut niveau de dévoyer ce qui n’était qu’un mandat de vente pour faire une opération d’actifs occulte pour compte propre avec portage et sociétés écrans. Demeure donc tout autant incroyable l’injuste mansuétude dont le CL et ses anciens dirigeants ont bénéficié dans les médias comme s’il était finalement naturel qu’un institutionnel et ses dirigeants soient les bons et les autres les méchants. 

– Ce qui est intéressant enfin, c’est qu’il ait fallu treize ans pour atteindre l’épilogue – alors que les turpitudes du Crédit Lyonnais avaient finalement été mises en lumière asse rapidement. Non content d’avoir mal agi, le Crédit Lyonnais n’a pas admis sa responsabilité, n’a pas transigé rapidement sur de meilleures bases, avec pour résultat qu’à un dommage en capital déterminé se sont ajoutées des sommes colossales d’intérêts et de frais de justice et d’avocats. Le mismanagement des litiges par les dirigeants de sociétés, même importantes, est une réalité et un vrai sujet sur lequel je reviendrai un jour spécifiquement et exemples à l’appui. D’aucuns s’étranglent ainsi aujourd’hui de ce que Tapie, plus exactement les liquidateurs de son groupe, reçoivent une somme aussi importante. Mais cela est injuste car le coût supplémentaire résultant de la longueur de la procédure n’est imputable qu’au débiteur fautif et finalement condamné. Dans la mesure où c’est le contribuable qui paiera l’ardoise in fine, ces reproches doivent s’adresser sur le montant final de la facture, tant pour le principal que pour les intérêts, au Crédit Lyonnais, à l’Etat, au CDR – et non à Bernard Tapie et/ou à ses liquidateurs.

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