
Tiens, Madoff au TF, en 2007 ! Déjà ?
Eh oui, peu s’en seront souvenus, mais Madoff est déjà passé au TF en février 2007, et d’une manière probablement différente qu’il y retournera sûrement dans quelques années en instance suprême de toutes les procédures dont il aura été la cause en Suisse. Dans l’arrêt 4C.205/2006 (SJ 2007 p. 317), un investisseur reproche à sa banque de l’avoir amené à investir dans un fonds AWH. Il prétend que le fonds AWH était insuffisamment diversifié – au contraire des fonds Madoff lesquels l’étaient eux bien autrement ! Le TF ne reverra pas ce point , la Cour de Justice ayant (à tort ou à raison) constaté en fait que les stratégies des fonds Madoff et de AWH étaient similaires. Il y a quelques points intéressants en lien avec les procédures Madoff « suisses » actuelles.
Premièrement le constat par le TF que celui de la Cour, qui le lie, était que les fonds Madoff offraient une stratégie diversifiée. C’est ce que ce demandeur a plaidé. Les constatations judiciaires dans cette cause ne sont jamais liées qu’à ce que ces parties ont allégué et prouvé dans cette cause. Ces constatations et les appréciations juridiques qui en ont découlé en l’espèce in concreto ne lieront donc pas des plaideurs ni tribunaux dans le futur. Deuxièmement, un point qui posera davantage de problèmes maintenant l’écheveau Madoff passablement démêlé. Madoff n’était évidemment pas diversifié puisqu’il ne traitait aucun titre. La responsabilité des banques et autres prestataires s’appréciera notamment à l’aune de deux facteurs : i) ce qu’ils auraient pu ou dû découvrir sur ce point, en fonction du degré de diligence que leur rôle supposait, et ii) cette stratégie était-elle compréhensible et/ou susceptible de produire ses revenus et leur constance.
Troisièmement, un point qui jouera un rôle important à ce dernier égard. Le TF cite la cour cantonale ayant retenu sur ce point que la banque s’était bien enquise de la raison pour laquelle, au 31 décembre de chaque année, les actifs étaient concentrés sur un titre, et que l’administrateur lui avait répondu qu’il s’agissait d’une démarche stratégique et temporaire destinée à éviter que des concurrents reproduisent la stratégie d’investissement en consultant les rapports annuels (cf. lettre E des faits). Ce point interpelle. Le TF et la Cour n’en tirent pas de conséquence directe, mais implicite dans leur constat que la banque n’a pas en l’espèce violé sa responsabilité pour le conseil donné. Il pourrait devenir déterminant, et causal, dans les arrêts futurs. Cette explication, en se replaçant dans la situation antérieure à la découverte de la fraude, est-elle raisonnable, acceptable ? Dispensait-elle ou commandait-elle au contraire d’autres vérifications sur ce que le gérant faisait réellement le reste de l’année – s’il reconvertissait toutes ses positions en un seul titre pour son rapport annuel ? Avec en outre les frais de transactions, élevés sur la masse, et avec ce qu’une entrée/sortie de positions titres comporte au plan des comptes et bilan, notamment au titre de la réalisation et du calcul de pertes et de gains ? A mon avis, poser la question est y répondre – mais l’avenir le dira sûrement, ici ou ailleurs.