Tout le monde à genoux devant le Dalai Lama

Posté le 14 avril, 2013 dans actu / news

Le Dalai Lama est de retour en Suisse – où il vient souvent. Allelujah. Il ira au Parlement à Berne, a fait salle comble (payante) à Fribourg, ira à l’Uni de Lausanne demain. Etc. etc. Il est « sa sainteté » et prix Nobel de la Paix. Il est chef spirituel des Bouddhistes ou du genre – donc c’est forcément un bon type. Et peu importe que ce soit le précédent Dalai Lama, pas le présent qui n’est pas encore people-isé et dont personne ne sait même la tête qu’il a. Or tout cela est frappant à plusieurs égards. Tenzin Gyatso, le 14ème Dalai Lama, est très populaire – mais pour quelles raisons ? La vérité est que personne n’en sait rien au-delà du fait qu’il a une bonne tête d’asiatique, que le Bouddhisme c’est cool, on mange du ginseng avec un air pénétré de bonnes choses spirituelles de là-bas, on vivra vieux et mieux, et il est contre les méchants chinois qui ont volé le Tibet aux tibétains. Pour peu nous léviterons à trente centimètres du sol comme dans Tintin. Et ça nous change des religions judéo-chrétiennes à bout de souffle chacune dans leur dogme étriqué et dépassé et qui ne vivent plus que par opposition l’une à l’autre, et des évangélistes tous dingues qui fleurissent en s’en étant échappés sans avoir été contaminés par l’asiatisme. Plus sérieusement : à part coller un autocollant Free Tibet sur sa voiture, personne ne sait rien ici du problème politique tibétain – si ce n’est que ça fâche les nécessairement méchants chinois quand le Dalai Lama est reçu quelque part. Le bon Suisse imprégné de Dalai Lamaisme avec un autocollant Free Tibet sur sa voiture afficherait-il la même tolérance béate si les chinois recevaient tel ou tel séparatiste jurassien et collaient des autocollants Jura Libre sur leurs voitures ?

Il leur demanderait sûrement de se mêler de ce qui les regarde et de nous laisser nous occuper des jurassiens nous-mêmes. Bref, cette adoration de ce personnage touche davantage au symbolique qu’au rationnel. Il est une image de résistant d’un peuple et d’un endroit que l’occident idéalise, le Tibet, contre un autre symbole d’un mal puissant et qui fait peur, la Chine. Cette composante politique est loin d’être simple au-delà de cette symbolisation simpliste. Personne en Suisse romande n’est capable d’expliquer le vrai problème politique tibétain – sauf à en être spécialiste. Je veux bien croire comme tout le monde que les tibétains sont les gentils et les Chinois le méchant envahisseur – mais la vérité est que comme tout le monde ici je n’en sais strictement rien. Il est un chef spirituel – pourquoi alors le recevoir dans des enceintes officielles laïques qui n’ont au demeurant plus guère de contact, et tant mieux, avec les chefs spirituels du cru ? Parce qu’il nous a fallu cinq siècles pour nous en débarrasser et séparer l’Eglise et l’Etat ? Parce que le Bouddhisme ne nous a pas, précisément, oppressés ? Le recevoir parce qu’il est un opposant politique, un dirigeant (de qui et élu par qui ?) en exil ? C’est spirituellement et politiquement incohérent. Mauvais esprit ? Pourquoi ne pas tout simplement aimer un symbole qui nous fait du bien et qui a eu le prix Nobel de la Paix, et qui prêche simplement la sagesse et la paix y compris dans Paris Match et l’Illustré ? Peut-être. Mais pas au prix de ne rien y comprendre et de béatitude spirituelle. Beati pauperes spiritu disait l’autre.

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