Selon la presse [1], un sous-officier suisse a été condamné en appel à vingt-deux mois de prison avec sursis, et dégradé (!), pour le viol d’une soldate lors d’une soirée arrosée en été 2008. Des cas d’abus sexuels à l’armée ne sont que rarissimement rapportés en Suisse. D’abord l’armée n’y est pas mixte ce qui limite les risques de viol hétérosexuel. Les cas d’abus homosexuels doivent également être rares – ou en tout cas n’y en a-t-il pas de publiquement révélés avec une zone grise probablement non-négligeable. Pourtant le problème des abus sexuels dans une armée sont réels. Les cas de viols par des militaires lors de conflits armés sont fréquents et documentés. Ils peuvent même constituer une action guerrière comme cela fut le cas en ex-Yougoslavie et dans certains conflits africains. Mais dans une armée d’un Etat démocratique et de droit, les abus sexuels entre militaires existent et sont un problème en tant que tels et par un traitement pénal et disciplinaire déficient. En février 2011 (cf. Time [2]), quinze femmes et deux hommes ont déposé plainte contre le Pentagone pour failing to prevent and punish sexual abuse by fellow service members. Les plaintes sont ignorées voire moquées, de même que les protections instituées dans les règlements, obligeant les victimes à continuer à servir aux côtés de leur agresseur. Il y aurait lieu de sortir le traitement de ces agressions de la chaîne de commandement laquelle les protège. Un éditorial de Nancy Gibbs dans Time [3] également de 2010 est éloquent, fin et sensé.
Trois-mille cas dénoncés d’abus sur des femmes soldates en 2008. Une augmentation des cas de 25% dans les zones d’engagement soit en Irak et en Afghanistan. Cela alors que le Pentagone estime que 80 à 90% des abus ne sont pas dénoncés. La peur de dénoncer, c’est-à-dire de se révéler et d’accuser à visage découvert, prévaut donc dans l’environnement rigide et masculin que constitue l’armée. Ces femmes (et hommes sûrement) sont ainsi privés de la reconnaissance de leur statut de victime, de la reconnaissance et du traitement du PTSD qui en résulte, et le sentiment de lâchage et de trahison les mine. Seuls 8% des cas feraient l’objet d’une enquête, contre 40% dans la société civile. 80% des militaires condamnés sont honorably discharged. 40% des femmes vétérans de l’armée américaine, quatre fois plus susceptibles d’être seules dans la vie que les vétérans hommes, rapportent avoir été l’objet de violences sexuelles. Comme conclut Nancy Gibbs, les femmes représentent 15% des forces armées américaines et l’échec à leur apporter une protection adéquate est un problème concret et moral. Pourquoi l’armée ne protège-t-elle pas ceux à qui il est demandé de nous protéger ? Un non-problème en Suisse et dans les autres armées ?