La signature de cet accord inédit appelle – nécessairement – un certain nombre de réflexions. Il faut saluer son nom magnifique et Cicéronien, en lien direct avec la morale. Il faut saluer que l’Ordre d’un canton important au plan judiciaire ait fait cette démarche et qu’elle ait été couronnée de succès avec le MPC. C’est toujours une excellente chose quand magistrats et avocats s’entendent sur des modalités d’exercice de leurs mandats respectifs, in fine dans l’intérêt de la justice par son bon déroulement. Bravo donc à l’OdA – et au MPC. Pour le reste, cet accord est intéressant par le précédent qu’il créée, pour lui-même et par les sujets qu’il traite. Reste qu’il constitue de la soft law et non du droit positif, ce qui ne va pas sans créer un certain nombre de problèmes concrets et philosophiques dans un contexte dont le cadre est, parfois même brutalement, le droit édicté. De telles règles consensuelles ne devraient pas susciter de problèmes d’exécution puisqu’elles procèdent précisément d’un modus vivendi. Mais quid de la sanction de leur violation – aucune règle n’en étant malheureusement jamais exempte ? Il pourrait être difficile à une autorité de jugement ou de recours d’en tirer des inférences – n’y étant partie ou liée. L’espoir légitime est toutefois que dans l’immense majorité des cas, il y ait une adhésion spontanée au comportement visé par deux professions dont le respect des règles est en principe l’ADN. En cela cet accord est indéniablement utile et son objectif atteint.
Faut-il s’étonner de voir codifier sous forme de soft law des comportements qui devraient en principe aller de soi ? Faut-il en déduire que s’ils sont codifiés, c’est qu’il y avait problème ? Ou finalement peu importe ? L’engagement de loyauté typiquement est imposé par la loi et la Constitution et ne devrait avoir à être répété. Avoir à dire par écrit que l’on se respecte est-il la marque que tel n’est pas le cas en pratique ? Il est étonnant de voir l’importance que les incidents et les problèmes de courtoisie et de respect entre magistrats et avocats prend dans les communications ordinales, les échanges entre les deux corps, des discours officiels, etc. – alors que je n’en rencontre jamais. Mais paraît-il qu’ils existent – le fait d’une minorité qui entraîne alors de telles règles ? Sur leur aspect contraignant dès lors qu’elles sont de la soft law, peut-être des juridictions du siège ou d’appel ont-elles tout de même un droit voire un devoir de droit public de sanctionner la partie qui les viole, sous l’angle précisément de l’obligation de loyauté qui impose d’observer les engagements auxquelles on se soumet au sein du processus procédural ? Les discussions « off », sous la foi ou les réserves du Palais comme extension des réserves d’usages, est une excellente chose qui bénéficie des principes et de la jurisprudence en matière de réserves d’usages. Accusation et défense doivent pouvoir se parler off en confiance. Ne pas pouvoir le faire parce que le cadre légal n’existe pas ou que le contenu n’en est pas protégé prive simplement le processus pénal d’une faculté de discussion susceptible de déboucher sur des règlements que le droit matériel permet et encourage. Cela prive le processus de la faculté pour les deux parties de mieux apprécier les risques et chances de leur position par la discussion off de leurs forces et faiblesses. Utile et concret, et bravo et très bien donc.