Ce blog a souvent évoqué le challenge pour les avocats de présenter des écritures aussi claires et concises que possible, ce qui est l’air du temps et vu l’attention et le temps réduits que les juges peuvent consacrer à chaque affaire. Mais avec la contradiction toutefois de leur obligation de faire valoir tout ce qui fait sens de l’être. Les juges aimeraient que les avocats ne plaident que ce qui est décisif. L’avocat ne peut prendre le risque envers son client d’un jugement qui rejetterait ses arguments – mais évoquerait comme c’est parfois le cas tel argument non-plaidé qui aurait fait une différence. De là, plaider absolument tous les moyens et tous les détails possibles n’est pour autant pas recommandable, détournant l’attention des faits ou moyens décisifs. C’est donc un difficile exercice d’équilibre et de choix. Echauffourée à New-York ainsi sur ce thème en mars, où le juge Pauley a réprimandé les avocats, dans une affaire particulière et pour le problème en général, pour avoir étouffé la procédure sous des fleuves d’écritures et de pièces : 175 paragraphes pour la demande avec 1’400 pièces, et vengeance du défendeur avec 1’020 paragraphes sur 210 pages !
Il faut dire que là-bas, les écritures sont dans certaines procédures limitées à 14’000 mots, nombre que les juridictions d’appel veulent réduire à 12’000 – ce que les avocats contestent. Et en Angleterre dans le temps, l’avocat dont les écritures étaient prolixes voyait le juge y faire faire un trou pour qu’il reparte en les portant autour du cou comme un pilori ! N’allant pas aussi loin, le juge Pauley a renvoyé ces écritures à leurs auteurs dans une décision assez drastique : il les gronde vertement, mais surtout a trié lui-même d’emblée le bon grain de l’ivraie en ne laissant en jeu qu’un seul point de droit et en priant le demandeur de conclure à nouveau et de manière concise sur ce seul moyen-là ! Quant au choix des moyens dans le travail de l’avocat, ce blog est retombé par hasard sur le fameux Traité de l’argumentation, 6ème édition. C’est un vrai traité de rhétorique comme on les aime, avec ses propres travers : 740 pages écrit petit… Et donc pas directement ciblé sur le travail judiciaire écrit. Il traite de l’entier du cadre de l’argument, ses points de départ, valeurs, ordonnance, puis des techniques argumentatives – complètes. Pour les avocats, le Petit traité d’argumentation judiciaire est un choix plus ciblé – ainsi bien sûr que le livre Etre efficace en justice de ce blog. Avec la quasi-élimination (regrettable) de l’oralité dans le droit de procédure suisse, ces objectifs de rédaction en sont d’autant plus importants.