L’Ordre des Avocats vient de publier un guide de ce que l’avocat peut faire – ou non – en matière de publicité. Bonne idée – pour guider ses ouailles dans une matière compliquée ? Ou réflexe corporatiste rétrograde, inutile et dépassé dès l’instant de sa publication ?
Il ne faut pas se voiler la face : lorsque des avocats ou leurs instances se soucient de publicité, c’est pour partie pour veiller au critère – légitime mais évolutif, fluctuant et imprécis – de dignité, mais aussi par corporatisme, pour des motifs de concurrence, de jalousie et de visibilité personnelle. Le standard de dignité des caciques n’est pas non plus celui des millenials – illustrant que si un guide peut sembler une bonne idée, il est en réalité inutile voire périlleux. L’avocat doit suivre un mille-feuille de normes qui ne sont pas identiques et de force inégale : Code de déontologie du CCBE, Loi sur la libre circulation des avocats, Code suisse de déontologie et les Us et Coutumes du village. Le reste n’est que casuistique, au demeurant éparse. A fortiori de la part d’avocats, ces principes et leur jurisprudence sont connus, et il n’y a rien besoin de plus. Il est inopportun de vouloir objectiver in abstracto, soit hors contexte et casuistique, le critère subjectif et dès lors délicat de dignité. Il prête à sourire de devoir se faire dire qu’une inscription sur un stylo ou un parapluie doit « respecter les principes de retenue, d’objectivité, de véracité, et de dignité ».
Le principe, que les quatre textes rappellent pourtant, est que la publicité est licite. En rétropédalant et se cassant la tête à gonfler les exceptions au principe pour de mauvaises raisons, l’OdA faillit au contraire à défendre la profession face à la concurrence des autres prestataires de services juridiques. La libre publicité constitue le droit positif en matière économique pour des motifs légitimes et importants : elle participe de la concurrence, libre elle aussi, et profite au consommateur en lui permettant de mieux connaître l’offre et de mieux former sa volonté. Ceci dans la (seule) limite de la LCD – que les quatre jeux de normes ne font que rappeler au travers des obligations d’objectivité et de véracité. La condition de dignité n’a ainsi et en réalité qu’un poids limité face à cette liberté publique. Elle n’a pas non plus à être interprétée de matière étroite, rétrograde ou corporatiste. Nombre des exemples abstraits que donne ce guide sont rétrogrades, dépassés, parfaitement licites, ou le seront rapidement à la faveur de l’évolution de la société.