Comme évoqué plusieurs fois sur ce blog, le TAS est une – belle – aventure. Il est né de la volonté/nécessité de disposer d’une instance judiciaire spécialisée dans le sport et ses problèmes. Il est né de celles de s’affranchir des délais de traitement de la justice civile, inappropriés au sport. Une idée née également de décisions erratiques des tribunaux civils suisses en matière sportive, suisses vu le nombre de fédérations internationales et le CIO qui y sont domiciliés. Et de l’inadéquation de l’action civile de l’art. 75 CC du droit de l’association contre les décisions internes. Par franche adhésion ou en traînant les pieds sur la nostalgie d’un passé despotique, une majorité de fédérations a maintenant rejoint le TAS. Celui-ci ne fonctionne pas en vase clos – mais est soumis au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral suisse en matière d’arbitrage international ou interne, limité mais qu’il exerce. Le TAS a acquis aujourd’hui une stature remarquable en deux décennies. C’est une instance qui fonctionne bien en termes de manutention comme du fond. Il a permis une homogénéité et un progrès matériel de la jurisprudence dans nombre de matières du sport et du sport business, et particulièrement le dopage. Sa procédure accessible permet à des plaideurs et avocats étrangers de plaider directement devant lui. Bref un large progrès plutôt que l’inverse – mais est-il parfait tout rose pour autant ?
Bien sûr que non – à l’image de toute juridiction ou organisation humaine. Il est perfectible sur certains points mais qui ne sont pas fondamentalement majeurs ou relèvent de la philosophie de l’exercice. Le principal grief qui a ainsi pu lui être fait au niveau interne suisse – à part celui de la validité de la clause arbitrale d’adhésion mais qui concerne les fédérations – était son lien organique et financier avec le CIO. To make a long story short, son statut a été revu et la dépendance organique et financière diluées après que le Tribunal fédéral ait pointé ce qui pourrait selon les circonstances s’avérer problématique en termes d’indépendance. L’est-il donc entièrement ? Difficile de voir dans sa jurisprudence qu’il soit à la solde des fédérations par opposition aux athlètes ou partenaires – tel n’est pas le cas. Toujours est-il que la question, après avoir été tranchée affirmativement par le Tribunal fédéral, est aujourd’hui soumise à la CourEDH à la faveur de deux affaires Pechstein et Mutu – sous l’angle du sacro-saint article 6 CEDH. La Cour n’exclut donc pas d’entrer en matière puisqu’elle a invité la partie intimée, la Suisse, à se déterminer. Griefs principaux : l’absence d’indépendance du TAS, notamment d’avec le CIO, l’absence d’audience publique, et l’absence de procès équitable vu les limitations du recours étatique ouvert en Suisse contre la sentence. Plus la violation de la présomption d’innocence – ce qui pose le problème des procédures à caractère sanctionnel lorsque la sentence réprime ou confirme la répression et les sanctions d’un cas de dopage. A suivre.