Changer les choses. Le monde. Pas le changement comme leitmotiv creux, stéréotypé et pléonasmique d’une opposition lors d’élections. Le changement induit par l’idéal de ceux qui le veulent. En Suisse le droit de pétition est largement reconnu, parfois efficace. Les citoyens, associations et partis peuvent aussi user du droit d’initiative et des outils parlementaires. C’est efficace et participe de la démocratie directe. Partis et politiciens ont toutefois leurs propres agendas et marchandages – qui peuvent restreindre leur accès ou leur portée. Il y a encore les instituts de sondages, mis en œuvre par des groupes ou médias, ou sondant de leur propre initiative – mais toujours et par définition sur des échantillons. A Change.Org, chacun et tout le monde peuvent lancer leur pétition, la formuler, la faire vivre – en ligne plutôt que de la main à la main ou sur un stand sur la place du marché. Pour faire avancer un sujet politique, un point strictement pratique, faire plier une entreprise capitaliste en faisant valoir le mécontentement ou les désidératas des consommateurs.
Alimentation, minorités, justice, santé, consommation, tout peut y passer – et faire bouger l’opinion et les acteurs par une juste énonciation. Excellent et très bien fait. Retour chez nous à Neuchâtel où le CIES Centre International d’Etude du Sport est soutenu par la FIFA et propose un FIFA Master – in Management, Law and Humanities of Sport. Ce Master enseigne-t-il qu’une entreprise commerciale brassant des milliards doit échapper à l’impôt ? Que tout le système des transferts en football est contraire au droit du travail du pays de son siège ? Qu’un dirigeant sportif qui a connaissance d’un cas de corruption dans son association faîtière peut s’abstenir d’intervenir ? Ce n’est pas faire preuve de mauvais esprit que de poser ces questions – mais qu’un diplôme d’études supérieures soit comme l’institution qui le dispense parrainé et soutenu financièrement par la FIFA fait plus qu’interpeller. Un peu comme si, toutes proportions gardées et au hasard, le parti Baas finançait et s’associait à un Master en gouvernance publique et démocratie.
Pour revenir à la FIFA, l’ordonnance de classement dans l’affaire Havelange/Texeira du Ministère public de Zoug du 11 mai 2010, dont il a fallu attendre deux ans la diffusion publique, est surréaliste. Il n’y a qu’en Suisse que la justice pénale peut consacrer 40 pages de raisonnements juridiques fins et précis pour… justifier l’enterrement d’une affaire finalement embarrassante pour tout le monde, la Suisse, la FIFA, Zoug, le monde merveilleux du foot. Et dont personne n’a rien à faire – à peine quelques entrefilets d’agences dans la presse tant il apparaît comme une non-nouvelle que l’ancien patron du football mondial ait pu être corrompu. Mais elle est surréaliste à un autre égard. La FIFA est, théoriquement et matériellement, le lésé. Une des raisons du classement est précisément qu’elle a été partiellement indemnisée. Or l’ordonnance consacre de longs développements à réfuter des arguments de… la FIFA correspondant matériellement à une défense à décharge ! S’il est réellement inspiré par la FIFA, nul doute que le Master du CIES donnera certainement aux diplômés l’art de l’équilibrisme et du jésuitisme juridiques. Cette affaire y sera-t-elle étudiée comme case study ? C’est souvent basé sur des cases studies les Masters.