
Cleveland vs. Wall Street aux Césars / les choix que doit faire Wikileaks à la croisée des chemins entre media, media off et tabloid
La nomination de Cleveland vs. Wall Street aux Césars, pour celui du meilleur documentaire, ravit. Même s’il aura fort à faire dans la catégorie. Peu importe ce film est génial et mérite des distinctions. Il y a mille films de fictions, dont certains fort célèbres, mettant en image un procès. Que l’histoire soit vraie, totalement fictive, ou inspirée. Ce sont néanmoins des fictions. Cleveland vs. Wall Street se démarque parce que le procès est fictif, mais sur un sujet vrai. Qu’il instruit en live, en vrai, une cause véritable, sans scenario ni script. Laissant jusqu’à la fin son jugement à chacun. Il est génial parce que même traitant d’un procès, situation par définition judiciaire, sur des faits sous-jacents dont le règlement implique nécessairement le droit, il n’est pourtant dans le film jamais question de droit. Même au moment décisif. Il se laisse regarder pleinement et avec lui les deux thèses fortes qui s’affrontent. Face à la complexité des vrais problèmes juridiques qu’a posés la crise des subprime, il en a donné un regard fort et surprenant – dans sa réalité. Wikileaks pour sa part est à la croisée des chemins. D’anciens hackers fuitant des documents piratés, c’est à dire de media off, il devient media tout court avec des options à prendre – now. Révéler des documents sur la guerre, sur des gouvernements, particulièrement de source illicite, touche comme pour tout media à l’intérêt public à l’information. Mais quand un media devient légitime, un acteur véritable et identifié du monde de l’information, il cesse d’être off et se soumet à ses règles, au droit. Et tout reviendra comme pour tout journal ou tabloïd à une question d’intérêt public contre sphère privée. Révéler la caisse noire d’une multinationale par des fichiers bancaires volés présente probablement un intérêt public. Mais que tartanpion ou tartanpluche a un compte non-déclaré, ou simplement quelque part avec une éventuelle présomption qui s’y attache, probablement pas. Car si tel est le cas la prochaine étape sera de révéler que tel acteur ou tel politicien a une liaison, que tel autre parque mal sa voiture, que tel autre a battu sa femme de ménage. Wikileaks sera alors devenu un media totalement ordinaire, à l’endroit où lui seul aura choisi de se situer entre les poubelles people, les grands medias de référence et les medias d’investigation. Et sera soumis à la presque vulgaire pesée d’intérêts à laquelle ils sont, tous les autres, soumis. Wikileaks a besoin des autres medias. Better make the right choice guys.
Je partage tout à fait votre enthousiasme sur la nomination de Cleveland vs Wall Street. En prenant place dans le cinéma, je ne pensais pas qu’un film tourner en grande partie dans une salle de tribunal puisse être aussi passionnant. Étant actif dans le milieu financier, je ne peux que le conseiller aux personnes autocritiques. Malheureusement, bon nombre de collègues se sont limités à la conclusion hâtive qu’un tel documentaire ne pouvait que prendre parti pour le « petit », sans même se donner la peine d’aller le voir. C’est bien dommage. J’espère vivement que ce documentaire trouvera une place dans les divers cours de finances et de droit.
[…] sont détestables. Elle biaisent effectivement la loyauté du procès pénal. Mais finalement, comme déjà dit, cette situation pose des questions parfaitement habituelles et balisées en droit civil, pénal et […]